“On ne peut plus croire que le conspirateur est juste un gars qui fait des vidéos dans sa voiture”, explique David Morin, professeur à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke. Il est co-auteur d’une importante étude à venir avec huit autres chercheurs Le mouvement complotiste au Québec. Il contient des données obtenues à partir d’un sondage auprès des membres de ce mouvement, ainsi qu’une liste de 45 “meneurs de conspiration” du Québec et du Canada, dont les déclarations et l’arrière-plan idéologique sont analysés. On y retrouve plusieurs célébrités des réseaux alternatifs, comme le théoricien QAnon Alexis Cossette-Trudel, la comédienne Lucie Laurier ou encore l’ex-chef du groupe identitaire La Meute récemment arrêté en marge de Freedom Watch, Steve Charland. Les données recueillies ont précédé l’occupation des camions et des manifestants à Ottawa plus tôt cette année, où plusieurs personnalités influentes du Canada anglais ont pris un avant-goût de la gloire. Les politiciens et les médias sont également décrits comme des conspirateurs, comme le chef du Parti populaire canadien, Maxime Bernier, ou le fondateur de Rebel News, Ezra Levant. “Pour nous, ce sont des voix qui donnent de la crédibilité au mouvement, soit par leur statut antérieur, soit parce qu’elles sont largement surveillées. […] On a eu de longues discussions pour savoir qui choisir, mais on se sent à l’aise avec chacun des noms qu’on y met », explique celui qui tient aussi le siège de l’UNESCO pour la prévention de la radicalisation violente et de l’extrémisme. David Morin publiera cet automne, avec sa collègue Marie-Ève ​​Carignan, une pièce grand public qui vise à « expliquer ce qu’est le complot » et à aider ceux dont les proches sont tombés dans divers pièges. .

Différentes formes de complot

Au total, jusqu’à 21 % des Québécois sont des adeptes « convaincus » ou « modérés » des théories du complot, un terme préféré au terme péjoratif de « théorie du complot ». C’est inférieur à la moyenne canadienne, où 29 % de la population adhérerait au moins à la modération dans cette école de pensée. Cela a probablement à voir avec un aspect moins connu de la théorie du complot, soutient Morin : son élément religieux. La religion est importante pour 58% des adeptes convaincus interrogés, contre 21% de ceux qui ne croient pas au grand complot. L’étude regroupe également les leaders conspirateurs en cinq idéologies principales, par type idéal : extrême droite, anti-gouvernementale, non scientifique, religieuse ou encore inspirée des théories QAnon. “C’est pour montrer qu’il y a une variété de points de vue dans ce mouvement. “On a des gens à gauche, par exemple du monde de la science extraterrestre, qui, dans le contexte de la pandémie, marchent main dans la main avec des gens qui ont une idéologie d’extrême droite”, a déclaré David Morin. Ces connexions idéologiques ne sont pas nécessairement comprises par les adeptes des médias sociaux ou les manifestants, dit-il. Par exemple, les liens entre les organisateurs du “Freedom Agreement” et l’extrême droite sont passés inaperçus pour de nombreux manifestants.

Possibilité de risque

Basé sur un sondage commandé par Léger et mené en 2021 auprès de 4 500 Canadiens, le rapport estime que 20 % des partisans convaincus sont d’accord avec « l’usage de la force pour combattre l’injustice gouvernementale ». C’est deux fois et demie le pourcentage de non-membres. Les dirigeants les plus célèbres évitent soigneusement de franchir les frontières du discours de haine et « veillent toujours à s’asseoir sur la clôture », explique M. Maureen. “Il y en a encore quelques-uns, [comme] Jean-Jacques Crèvecoeur, qui [ont] ont commencé à avoir des commentaires beaucoup plus scandaleux. » Selon lui, il est important de parler aux médias des auteurs du grand complot. “Ce sont des gens qui sont déjà assez connus [sur Internet], donc cela ne les rend pas plus célèbres qu’elles ne l’ont déjà été. “La publication de leurs exagérations – et de l’idéologie qui les sous-tend – permet, surtout, de mieux voir la récupération de leurs idées dans les discours politiques. Un problème affectant la course à la chefferie actuelle du Parti conservateur du Canada. “Nous avons l’un des deux candidats [présumément en tête] “Il n’hésite pas de temps en temps à envoyer des messages à son électorat potentiel par rapport à Davos, au nouvel ordre mondial, aux crypto-monnaies. On voit que des efforts de relance sont faits”, déplore l’universitaire. À l’heure actuelle, la recherche ne présente pas de solution claire pour empêcher les théories du complot. Ou s’en passer.

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