Six mois de prison ont été prononcés jeudi contre les deux chasseurs jugés à Cahors pour la mort en décembre 2020 de Morgan Keane au Lot, abattu alors qu’il coupait du bois sur sa propriété. Soulignant la “gravité des manquements dans la cause de la mort de Morgan Keane”, le procureur Alexandre Rossi a requis deux ans de prison, dont 18 mois avec sursis pour l’auteur de la fusillade mortelle et 18 mois de prison, dont 12 avec sursis, pour le directeur de la chasse. Il a également demandé au tribunal correctionnel de Cahors de retirer définitivement le permis de chasser des deux prévenus et de leur interdire de posséder des armes à feu pendant cinq ans. Pour le procureur “cet homicide tragique était écrit”. Il a relevé “l’échec du tireur et non une simple négligence”, précisant qu’il était “largement aidé par le directeur de chasse” qui “n’a pas organisé” la chasse ce jour-là, étant tenu pour responsable de plusieurs “défauts caractéristiques”. La décision était réservée au 12 janvier. Le 2 décembre 2020, en fin d’après-midi, Morgan Keen, 25 ans, a été pris pour un sanglier et abattu alors qu’il se trouvait sur sa propriété, dans une colonie du village de Lot, Calviniac. “Pas un jour ne passe sans que je n’y pense, c’est marqué à vie, je suis désolé”, a déclaré devant le tribunal l’auteur de la fusillade mortelle, visiblement ému, avouant qu’il “n’avait pas correctement localisé la cible”. . .
Inexpérimenté
L’enquête a révélé que le tireur de 35 ans était inexpérimenté, ne connaissait pas les lieux et avait posté à un endroit mal choisi sans avoir reçu les instructions nécessaires. Son avocate, Sylvie Bros, a insisté sur le caractère « non intentionnel » de son acte. Les témoignages d’autres chasseurs présents ce jour-là, présentés par le président du tribunal, font état de plusieurs irrégularités dans le déroulement de la chasse. “Rien n’a été fait correctement”, a déclaré Benoit Coussy, avocat de Rowan Keane, le frère de la victime, mettant en cause la responsabilité du directeur de la chasse et des autres participants. Chasseur aguerri de 51 ans, le directeur de chasse a assuré que son organisation était “sous contrôle”. A l’issue de l’audience, son avocate, Emilie Geffroy, qui a demandé la relaxe, a affirmé que son client avait “respecté ses obligations”. “Responsabilité morale, oui, responsabilité pénale, non”, a-t-il ajouté.
Définir la chasse
La mort de Morgan Keane a scandalisé ses proches et les opposants à la chasse dans le Lot, qui ont formé un collectif, A Hunter for a Day, réclamant une modification de la législation. Au volant, Hélène Thouy, avocate de deux associations (One Voice, Aspas), partis politiques, a pointé “un vrai problème d’insécurité dû à la chasse” qui inquiète de nombreux ruraux. “C’est un procès de chasse, ce ne devrait pas être le procès de chasse en général”, a averti l’avocat de la Lott Hunter Federation, Charles Laye, qui a souligné le travail que la fédération a fait pour améliorer la sécurité. Ce dernier, qui compte environ 6 500 membres, est également un parti politique. Une approche systématique de ce genre de procès, mais jugée “insupportable” par les proches de Morgan Keane. A l’issue de l’audience, Léa Jaillard, du collectif Un jour un chasseur, a relevé que le procureur avait demandé “l’interdiction définitive de chasser que nous réclamions”. Grâce au procès, “on a compris que c’était quand même arrivé” et que “la responsabilité n’est pas qu’individuelle”, a-t-il dit. L’auteur de la fusillade, venu chasser dans le Lot à la journée depuis le département voisin de l’Aveyron où il habite, est sous contrôle judiciaire avec interdiction de chasser, de détention et de port d’armes de sa charge le 4 décembre 2020. En France, le nombre d’accidents de chasse diminue depuis 20 ans, selon l’Office français de la biodiversité (OFB). Or, pour la saison 2021/22, l’OFB a enregistré 90 accidents de chasse, contre 80 la saison précédente. Parmi eux, huit accidents mortels, dont deux avec des victimes non-chasseurs.