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Québec a dû reprendre les résidences des Floralies de La Salle et de Lachine car « des situations pouvant mettre en danger la santé ou le bien-être » des résidents « semblent être tolérées ou tolérées », peut-on lire dans une lettre signée par le ministre de la Santé Christian Dubé.
Ces deux résidences sont détenues depuis 2019 par un géant français du logement pour personnes âgées (voir ci-dessous). Sur les quelque 330 résidents vivant aux Floralies, les soins et services de 214 d’entre eux sont payés par l’État par le biais d’ententes particulières, selon les données du réseau.
Selon nos informations, la situation dans les Floralies est tellement précaire que le CIUSSS de la région a dû envoyer en urgence et à ses frais une centaine de ressources du public et 60 autres ont été recrutées auprès d’agences de placement privées, notre bureau de recherche.
Archives photographiques, Agence QMI
La ministre de la Santé et des Aînés, Sonia Bélanger, fera également le point sur la situation aux Floralies lors d’une conférence de presse jeudi après-midi.
Cette situation d’urgence survient à un moment où les établissements de santé du Québec ont un besoin criant de ressources humaines.
Cette tutelle est la première imposée en vertu de la nouvelle loi anti-maltraitance des personnes âgées dirigée par l’ancienne ministre Marguerite Blais et votée en avril dernier.
Un gestionnaire à 150 $ de l’heure
Le réseau a également dû embaucher un cadre à un prix élevé pour gérer la garde des Floralies, a-t-on appris.
En effet, le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île n’avait « ni les ressources [ni] savoir-faire suffisant’ pour gérer les deux résidences, peut-on lire dans les documents contractuels.
La fondation de la santé a donc ciblé Sophie Boulva, qui touchera 153 300 $ sur 24 semaines, grâce à un salaire horaire de 150 $.
Ce n’est pas le premier accord de Mme Bulba avec le réseau. En 2020 et 2021, elle avait un contrat de 185 000 $ pour soutenir les résidences privées pendant la pandémie, à raison de 100 $ de l’heure. Ainsi, sur trois ans, il aura reçu 338 300 $ en contrats gouvernementaux.
Un autre contrat d’environ 75 000 $ a été octroyé à Alexandre Mercier pour s’occuper spécifiquement de “l’application des horaires” aux Floralies, un dossier “complexe”, révèle un autre document contractuel.
Qui paiera ?
Malgré les sommes importantes investies – plusieurs millions de dollars, notamment en compensation des travailleurs mobilisés en urgence – le MSSS n’a aucune garantie qu’il récupérera son argent. “Il n’y a pas d’article dans la loi qui dit spécifiquement que les dépenses doivent être remboursées [au CIUSSS]», a reconnu le ministère de la Santé, qui compte ainsi sur la bonne foi des Floralies pour payer la facture.
Concernant les sommes versées aux Floralies pour la prise en charge des patients du réseau public, l’administration intérimaire “n’a pas autorité pour modifier les ententes contractuelles conclues avec le CHSLD Floralies”, a indiqué le ministère de la Santé. À tel point qu’actuellement, l’État du Québec continue de payer les places achetées dans les deux résidences.
Le PDG de la société propriétaire des Floralies, Benoît Lellouche, n’a pas répondu à notre demande d’interview.
Un géant français derrière le logement
Les résidences des Floralies appartiennent à des intérêts étrangers, à savoir le groupe français Vivalto, dont une partie s’étend jusqu’au Moyen-Orient.
Selon les recherches menées par notre Bureau d’Etudes, le groupe Vivalto, l’un des plus grands acteurs français de l’hébergement pour personnes âgées, est principalement financé par une entreprise publique des Emirats Arabes Unis (EAU).
En effet, la société d’investissement Mubadala, basée dans la capitale Abou Dhabi et dont les deux directeurs sont des ministres des Émirats arabes unis, a investi des millions de dollars dans Vivalto depuis 2015.
Vivalto et son fondateur Daniel Caille sont les leaders européens de l’hospitalisation privée et des soins aux personnes âgées. L’une des filiales du groupe français possède au moins 49 centres de santé en Gérie Épire. Quant à M. Caille, sa richesse personnelle le place au 232e rang des personnes les plus riches de France, selon le magazine financier Challenges.
Abus allégué
Le groupe français a défrayé la chronique pour toutes les mauvaises raisons ces dernières années. En juin dernier, le personnel d’une maison de retraite pour personnes âgées de Nouvelle-Aquitaine, propriété de Vivalto, s’était dit contraint de maltraiter des résidents faute de personnel et de matériel, selon le quotidien La Nouvelle République.
Un an plus tôt, des médecins d’une clinique Vivalto en Normandie déploraient le manque de moyens humains et matériels dans leur pratique, ce qui aurait contribué au suicide d’un urgentiste, selon le journal local La Dépêche.
Au Québec, le groupe possède un troisième établissement depuis juillet dernier, le Manoir St-Joseph, situé dans le quartier Ahuntsic de Montréal.
Mais avant même l’acquisition de Floralies par Vivalto en 2019, ces deux résidences jouissaient déjà d’une réputation enviable dans le réseau de la santé et des services sociaux. Ils font l’objet depuis plus d’une décennie de pétitions dénonçant les conditions de vie qui y règnent, ce qui ne semble pas avoir empêché les institutions publiques de continuer à y acheter des terrains au fil des années.
Contention illégale, mauvaise qualité des soins, maltraitance. Les critiques dont les Floralies font l’objet depuis 2005 sont nombreuses. En avril et mai 2020, l’armée a même dû se déployer aux Floralies Lasalle et Lachine pour pallier le manque de personnel.
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