Publié à 17h53
                        Gabriel Béland La Presse                     

La jeune femme a raconté aux jurés comment l’ancien élu de 60 ans l’avait touchée à plusieurs reprises cette nuit-là, alors même qu’elle avait rejeté ses avances. Il était de passage à Rimouski pour le travail et séjournait dans l’appartement de M. Lebel, qu’il considérait « comme un ami ». Une ordonnance du tribunal empêche la divulgation du nom de la jeune femme ou des informations d’identification critiques. Mais en octobre 2017, elle a dû se rendre à Rimouski pour travailler avec un collègue. Harold LeBel leur aurait proposé de les héberger pour deux nuits. La deuxième nuit, les trois parlaient quand, vers minuit, l’autre femme est allée se coucher. Le plaignant et M. Lebel étaient seuls, dit-il, et la conversation aurait alors pris une tournure plus personnelle. M. LeBel aurait commencé à parler de la rupture avec son ex-femme et des moments difficiles qu’il traversait. “Puis à un moment donné, alors que je ne m’y attendais pas du tout, Harold a posé ses mains sur mes cuisses puis m’a embrassé”, raconte la plaignante. Il affirme en avoir été surpris. Elle considérait l’homme, bien plus âgé qu’elle, comme une “figure paternelle”. “J’ai reculé d’un pas, j’ai dit : ‘Écoute, je suis fatiguée, je vais prendre ma douche et aller me coucher’”, a-t-elle déclaré aux jurés du palais de justice. Alors l’homme essayait de l’empêcher d’aller au lit. “Il s’est approché de moi, a posé sa main sur mon dos et a défait mon soutien-gorge. […] J’ai répété encore une fois que je ne voulais pas, que j’étais fatiguée et que je voulais prendre une douche et aller me coucher. »

“C’était très agressif”

La jeune femme s’enferma dans la salle de bain et verrouilla la porte. À un moment donné, elle dit avoir senti l’homme essayer de l’ouvrir. “J’étais complètement choqué dans la salle de bain, je ne comprenais pas ce qui se passait. Il y a quelque temps, il était un bon ami, et maintenant il était devenu quelqu’un d’autre. C’était très agressif. » Elle dit avoir envoyé un texto à son collègue allongé dans l’appartement, mais ce dernier, endormi, n’aurait vu les messages qu’au petit matin. La plaignante est finalement partie dormir sur un canapé-lit, comme elle l’avait fait la veille, dans le salon, pensant que son hôte avait compris qu’elle n’était pas intéressée par ses avances. Mais quelques instants plus tard, elle dit que M. LeBel s’est approché et lui a demandé s’il pouvait simplement s’allonger à côté d’elle. « C’est idiot, mais je me sentais mal de lui dire non. J’avais peur qu’il ne veuille plus être mon ami. Aujourd’hui, je trouve ça idiot”, a-t-il expliqué. “Je me suis dit : ‘Tu as compris le message, il ne se passera rien.’ J’ai dit d’accord. » Puis elle a raconté comment l’homme avait commencé à la toucher discrètement, notamment au niveau des fesses et de l’anus. “J’étais comme, ‘Si je dis non, est-ce qu’il va devenir cette personne agressive?’ » « Je ne me souviens pas avoir dormi cette nuit-là. C’était absolument interminable. J’ai bougé tout mon corps pour ne pas bouger d’un poil. Je me sentais si vulnérable, pourquoi me suis-je mis dans cette situation, qu’est-ce que je fais ici ? » L’affaire “a duré toute la nuit”. Elle dit se souvenir que tôt le matin, sa collègue a fini par lire les textos qui lui ont été envoyés le soir puis les a retrouvés au lit. Le plaignant ne dormait pas. Il dit se souvenir d’un “énorme désagrément”. Harold LeBel les a conduits tôt à un endroit où les deux femmes avaient réservé un service de covoiturage (AmigoExpress) pour retourner à Québec. « Personne ne parlait dans la voiture. » “Merci de m’avoir laissé rester avec toi, c’est sûr que je ne me sens pas à l’aise ce matin, mais ça fait du bien”, a écrit Harold Lebel au plaignant peu de temps après dans un message texte. Le témoignage du plaignant se poursuivra mercredi avec un contre-interrogatoire. Les 14 jurés – 10 femmes et quatre hommes – devront décider si l’homme est coupable d’agression sexuelle à l’issue de ce procès qui devrait durer deux à trois semaines. M. LeBel a plaidé non coupable. Harold LeBel a été arrêté le 15 décembre 2020 par des agents de la Sûreté du Québec. L’homme qui avait été élu une première fois en 2014 dans la circonscription de Rimouski, puis réélu en 2018, a été rapidement expulsé du Parti québécois au moins pour la durée du processus judiciaire. Il a décidé de ne pas se représenter aux dernières élections.