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« Si on ne faisait pas face à l’insécurité ou à la pénurie, cette épidémie serait moins importante et la réponse serait plus efficace », déplore Dominique Saint-Cyr, chef de la mission de Médecins du Monde Canada en Haïti.
Ce dernier coordonne les efforts des 34 agents de l’agence pour contenir le choléra, réapparu début octobre à Port-au-Prince après une accalmie de trois ans.
L’accès souvent impossible à l’eau potable ou aux installations sanitaires a contribué à la recrudescence de ce fléau.
L’Organisation mondiale de la santé a identifié plus de 6 800 cas suspects cette semaine et près de 5 600 patients ont été hospitalisés pour le choléra. Déjà, 144 personnes avaient perdu la vie et 6 provinces étaient touchées.
“Pour le moment, nous n’avons pas 9 000 morts [comme dans l’épidémie de 2010-2019]. Mais si nous n’arrêtons pas cette épidémie correctement, elle pourrait se propager », note l’infirmière Andrelle Desravines, responsable des activités communautaires.
Avec l’aimable autorisation d’Andrelle Desravines
Complexe à intervenir
Pour éviter ce scénario du pire, “Miss Andrelle”, comme on l’appelle, supervise 115 agents de santé communautaires qui traversent les zones les plus touchées de l’ouest du pays.
Ils sensibilisent, accompagnent les malades et distribuent conseils et kits d’hygiène.
Mais leur travail est compliqué par l’insécurité qui règne entre autres dans la communauté de Cité-Soleil, foyer de l’éclosion et terrain d’affrontements violents entre gangs rivaux.
Avec tous les barrages routiers et le manque d’essence, les ambulances ne peuvent tout simplement plus s’y rendre, assure M. Saint-Cyr.
Avec l’aimable autorisation de Médecins du Monde
Andrelle Desravines (à gauche), infirmière de Médecins du Monde Canada, coordonne les efforts de sensibilisation.
« Au Québec, nous n’avons pas ces difficultés. Nous appelons le 911, une équipe de professionnels arrive et nous évacue. Ici, nous n’avons pas ces ressources pour intervenir rapidement”, ajoute-t-il.
Au lieu de cela, les malades du choléra doivent être emmenés en taxi-moto jusqu’au centre de santé le plus proche, une solution loin d’être idéale compte tenu de la fragilité des malades.
“Lorsqu’on transporte un patient à moto, le chauffeur lui-même n’est pas protégé”, s’inquiète Mme Andrelle.
Très virulent, le choléra se transmet par la diarrhée d’une personne infectée ou par l’eau ou les aliments contaminés par ses excréments.
Enfants touchés
Dominique Saint-Cyr est particulièrement préoccupée par le sort des enfants, qui représentent environ la moitié des malades.
« C’est la déshydratation qui les tue lorsqu’ils ont le choléra, donc chaque minute compte. Plus vite nous pourrons les prendre en charge, plus grandes seront leurs chances de survie », poursuit le chef de mission.
Pour ne rien arranger, la pénurie de carburant touche les hôpitaux, dont l’électricité provient de groupes électrogènes, ainsi que Médecins du Monde.
Avec l’aimable autorisation de Médecins du Monde
Les travailleurs communautaires doivent faire face à la violence, aux pénuries d’essence et aux intempéries.
L’équivalent d’une semaine de carburant
« En ce moment, nous avons environ 75 gallons de carburant en inventaire pour alimenter nos bureaux et notre véhicule », explique M. Saint-Cyr.
Ce montant est généralement utilisé en une semaine, mais peut être prolongé jusqu’à la mi-décembre en le limitant au maximum.
La police nationale de Hope Haïti a réussi la semaine dernière à reprendre le contrôle du principal terminal pétrolier du pays, qui était pris en otage par des gangs depuis septembre.
“Mais pour l’instant tout le monde attend de voir si la distribution reprendra son cours normal”, a déclaré le porte-parole de Médecins du Monde en croisant les doigts.
Une épidémie mortelle de choléra
Après le tremblement de terre de 2010, le choléra est réapparu en Haïti après une absence de 150 ans. La bactérie aurait été introduite par inadvertance par des soldats de la paix de l’ONU d’origine népalaise. Le choléra s’est propagé par une rivière qui se jette dans la rivière Artimbonitis, où coulaient leurs toilettes. Environ 10 000 personnes meurent du choléra et 800 000 personnes sont infectées dans la région. Le dernier cas a été détecté en janvier 2019 après d’importants efforts impliquant Médecins du Monde Canada.
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