“Quand est venu le temps de postuler à l’université, j’étais ouvert à l’étude de ces trois domaines, mais j’ai exclu l’éducation, même si c’est la pierre angulaire de toute culture, car je ne me sentais pas assez patient pour enseigner !” dit-il avec un grand sourire. L’École de médecine de l’Université de Sherbrooke est la première à accepter sa nomination. Elle s’y inscrit malgré l’insistance de sa mère qui veut qu’elle étudie au Québec. “Je venais de rentrer d’un séjour de collaboration en Bolivie et ma mère aurait voulu que je ne parte pas, mais elle était plus forte que moi : il fallait que je voie autre chose et que j’explore”, souligne Mylène Drouin. J’ai choisi Sherbrooke parce que j’étais attiré par son programme de médecine qui, à l’époque, était le seul à proposer une approche d’apprentissage par résolution de problèmes.

De Sherbrooke à Montréal via l’Afrique

Après avoir terminé sa formation médicale en 1996, la jeune femme est admise à la maîtrise en santé publique et médecine préventive à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Mais avant de poursuivre cette spécialité, il a passé huit mois en Guinée-Bissau en tant qu’agent de recherche pour un programme de vaccination et de dépistage du VIH chez les enfants. L’expérience est un choc pour elle. “L’arsenal thérapeutique et le plateau technique manquaient et je me sentais impuissante”, avoue-t-elle. Une autre leçon attend : les familles devaient revenir trois mois après la vaccination pour que l’équipe de recherche mesure la réponse immunitaire des enfants au vaccin. Cependant, ce rappel a eu lieu au milieu de la mousson et personne ne s’est présenté à la réunion. “J’ai réalisé la pensée magique que peut alimenter le fait de vouloir faire de la coopération internationale et le danger d’agir en colonisateur en imposant des règles qui ne collent pas à la réalité de la population.”

Deux mentors qui ont changé le cours de sa carrière

En décembre 1996, Mylène Drouin entreprend sa maîtrise et rencontre celui qui deviendra l’un de ses premiers mentors, le Dr Raynald Pineault, décédé en mars 2021. “Raynald Pineault a été un grand bâtisseur de la santé publique moderne, et l’année où il m’a enseigné a été très mémorable”, se souvient-il. C’est lui qui a formé la base des outils de santé publique et de planification des services en intégrant les notions d’équité, de lutte contre les inégalités sociales et de réduction des barrières systémiques à l’accès aux services de santé. J’ai aussi eu la chance de l’avoir comme collègue plus tard, quand j’ai commencé à pratiquer. Une autre personnalité importante pour Mylène Drouin est le Dr. Richard Lessard, qui a été directeur régional de santé publique à Montréal de 1992 à 2012 et qui a notamment orchestré les mesures pour faire face aux épidémies de SRAS et de grippe H1N1 dans la métropole. « C’est le docteur Lessard qui m’en a donné l’opportunité en me nommant directeur médical de la Direction régionale de santé publique après mon arrivée en 2008, raconte-t-il. Cela m’a donné la confiance nécessaire pour gravir les échelons en tant que femme médecin.”

Un modèle pour les filles et les jeunes

Avec 20 ans de pratique, en 2018 Dr. Drouin est devenue la première femme à occuper le poste de directrice régionale de santé publique pour la région de Montréal. Les témoignages et les compliments qu’elle reçoit de nombreuses femmes lui font prendre conscience qu’elle vient de briser un plafond de verre. “Ce que je veux insuffler aux filles et aux jeunes, c’est la confiance de ne pas avoir peur d’expérimenter pour découvrir ce qui les excite, ce qui va donner un sens à leur vie et leur permettre de contribuer à une société progressiste”, conclut Mylène Drouin.

Les leçons de la pandémie

Dire que les premiers mois de la pandémie ont été difficiles pour la Dre Mylène Drouin est un euphémisme. Elle et ses équipes ont travaillé sans relâche jour, nuit et week-end pour répondre aux différents besoins de la population, notamment les plus démunis. En novembre, elle publiera également son rapport de réalisatrice intitulé Retour sur deux ans de pandémie. Il analyse la réponse orchestrée par la Direction régionale de santé publique de Montréal, en collaboration avec ses nombreux partenaires, afin d’en tirer des leçons pour se préparer aux futures crises sanitaires. Et qu’a appris la Dre Drouin sur elle-même, qui était une figure rassurante pendant cette crise ? “J’ai surtout trouvé que j’ai une bonne résilience et que la meilleure façon de communiquer avec la population est de rester transparent, authentique et d’expliquer la logique des décisions en faisant confiance à l’intelligence des gens”, souligne-t-il.