Deux ans après la mort de Morgan Keane à Calviniac, le procès du chasseur et du directeur de chasse se déroule ce jeudi matin au tribunal correctionnel de Cahors. Les proches de la victime de 25 ans attendent l’issue de l’affaire, qui cristallise les débats entre pro et anti-chasse. Julien F. le chasseur aveyronnais de 35 ans ne sera pas seul sur le banc des accusés, un événement assez rare en France pour être souligné. Laurent L., le directeur de la battue organisée par le club Diane Cajarcoise comparaît également pour homicide involontaire. Volonté du parquet de Cahors de faire la lumière sur une chaîne de responsabilité. La Lott County Hunting Federation, qui est un parti politique, préfère parler de sa part de responsabilité individuelle et demande des explications. “Il n’est pas acceptable, en tant qu’organisateur, de ne pas réunir les partis politiques pour exiger des comptes aux auteurs en question (…) L’acte individuel de chaque chasseur par rapport à l’usage de son arme relève de sa propre responsabilité. Ne pas tirer, c’est aussi un acte de chasse”, a expliqué Jean-François Cau, le premier vice-président de la fédération.

Responsabilité, accident…

Il a ajouté : « Le directeur de chasse n’est pas un chef d’entreprise, il n’a aucune responsabilité morale envers les chasseurs. C’est comme juger les pros et les anti-voitures, toutes les activités humaines comportent des risques. » Dans une interview qu’il a accordée à la Dépêche du Midi, Willy Schraen, le patron des chasseurs en France a lui aussi donné un coup de pied sur la responsabilité de la fédération : “L’erreur humaine existe dans tous les secteurs, je ne peux pas porter cette responsabilité. Personne n’a été tué par négligence.” Au-delà de la question de la responsabilité, les avocats contestent la notion d’accident. D’un côté, Maître Sylvie Bros, avocate du chasseur aveyronnais est catégorique : « Il est très clair que c’est un accident. Je ne prétends pas qu’il n’y a pas de débat à ce sujet, mais encore une fois, c’est assez clair jusqu’à présent. ” En revanche, Maître Benoît Coussy, l’avocat bordelais de Rowan Keane, le frère de la victime, maintient sa position : ” C’est un drame de chasse. Le terme accident a été mal utilisé depuis le début. de cette affaire et me semble inappropriée car elle renvoie à ce qu’on pourrait appeler une justification de la chasse. Il fait campagne pour créer un “crime de chasse”. Les deux prévenus encourent chacun trois ans de prison, une amende de 75 000 euros, une interdiction d’armes à feu de cinq ans ou encore le retrait de leur permis de chasse indéfiniment.

L’épreuve de la chasse

La Magistrature va également clarifier ce jeudi les zones d’ombre qui subsistent dans ce dossier. Les chasseurs avaient-ils repéré Morgan Keane l’après-midi avant que l’un des leurs ne tire sur le jeune homme ? Est-ce que la victime qui coupait du bois et portait un casque de chantier sur la tête à l’aide d’une tronçonneuse au moment du drame ? Les règles de sécurité ont-elles été respectées pendant la chasse ? Plus que le procès du tireur et du directeur de chasse, c’est le procès de la chasse que certains attendaient. Depuis la mort de leur ami d’enfance, les membres du collectif Un jour un chasseur militent pour “une meilleure sécurité dans la pratique de la chasse” et demandent au Sénat, dans le cadre d’une mission de contrôle parlementaire, des jours sans chasse. La proposition a finalement été rejetée dans le rapport du Sénat. Les Lotoises ne comptent pas s’arrêter là : elles ont occupé le Congrès des comptes qui a accepté d’ouvrir un rapport sur le financement de la chasse en France. Ce jeudi, les amis de Morgan Keene veulent aussi des réponses.