Il faut remonter au 23 septembre pour comprendre comment il en est arrivé là. Ce jour-là, une lycéenne de 17 ans porte une abaya. C’est une robe longue, que l’on retrouve traditionnellement dans les pays musulmans du Moyen-Orient et du Maghreb. Elle dit avoir été taquinée par son professeur d’espagnol pendant les cours à propos de cette tenue. A la fin de la leçon, le lycéen et le professeur discutent. France Bleu affirme alors que la première filme la seconde sans son consentement. Le professeur la gronde sur sa robe. “Elle verra ce qu’Allah lui fera”, a déclaré la lycéenne dans cette vidéo, ensuite partagée sur le réseau TikTok. Le visage de l’enseignante est flou, sa voix altérée.
Utilisation fréquente de l’abaya
Que doit-on comprendre de cette vidéo ? C’étaient “des propos pour enfin punir l’enseignant, absolument pas de manière radicale, mais de manière hiérarchique voire judiciaire”, se défend à la radio l’un des avocats de la jeune fille. “Ces propos ont été interprétés de manière dure et l’ont amenée à être perçue comme un peu radicalisée”, déplore-t-elle. Mais la situation est devenue très tendue lorsque, de retour de vacances, la lycéenne a invité ses camarades de classe, en signe de protestation, à venir en abaya. Selon le presbytère, cette démarche a été peu ou pas suivie, sans toutefois faire taire le “phénomène”. “Sur les 2.500 élèves du lycée Bourdelle, il y a une vingtaine de jeunes filles qui portent l’abaya depuis la rentrée”, explique le recteur de l’académie toulousaine Mostafa Fourar. “Nous avons mis en place un processus qui sanctionne automatiquement toute tentative d’atteinte à la laïcité de manière graduée”, précise-t-il. Le port de l’abaya n’est pas interdit par la loi, mais une atteinte à la laïcité peut constituer “si l’élève la porte de façon régulière, en tant que symbole de l’identité religieuse”, explique le recteur de l’Académie de Toulouse. “Dans les écoles publiques, les collèges et les lycées, l’utilisation de signes ou de vêtements par lesquels les élèves semblent montrer une croyance religieuse est interdite”, stipule la loi de 2004 régissant les symboles religieux dans les écoles.
Deux plaintes ont été déposées
La jeune femme, parce qu’elle porte cette tenue « en la revendiquant systématiquement », a fait l’objet d’une procédure disciplinaire. Il a également été interrogé par la police pour atteinte à la vie privée, après que le professeur et le responsable de l’établissement se sont plaints de la diffusion de la vidéo. “Cet enregistrement est illégal et sa diffusion renforce le caractère dangereux de l’acte”, justifie le doyen de France Bleu. Si elle devait quitter l’établissement dès lundi, la lycéenne a également porté plainte pour propos discriminatoires. « Elle souffrait bien avant cette affaire des inquiétudes répétées tant de la part du corps professoral que du personnel administratif. Et ce jour-là, elle s’est sentie profondément humiliée », explique son avocat. France Bleu révèle que, “par précaution”, le complexe est désormais sous protection policière à l’entrée et à la sortie. Même s’il n’y a pas de “menace avérée” contre la professeure, selon le cabinet du rectorat, son domicile a été placé sous protection policière. En octobre, 720 attaques contre la laïcité ont été signalées, a annoncé mercredi le ministère de l’Education. Ce nombre a plus que doublé par rapport à septembre, avec un pourcentage élevé d’incidents liés à l’utilisation de vêtements religieux. 40% des incidents enregistrés en octobre impliquaient “le port de symboles et de vêtements religieux”, contre 54% en septembre.