Article écrit par Mabinty Touré – Journaliste Lors de AIDS 2022, la 24e Conférence internationale sur le sida, en août dernier, le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, a annoncé l’investissement de 17,9 millions de dollars pour rendre le dépistage du VIH plus accessible. Le Centre de santé et de mieux-être de l’Université d’Ottawa (U d’O) met à la disposition de ses étudiants des trousses d’autotest appelées GetaKit, dans la même volonté d’offrir des ressources aux personnes vivant avec le VIH. Qu’est-ce que GetaKit ? Dr. Patrick O’Byrne est professeur à la U of O School of Nursing et créateur de GetaKit. Il décrit son initiative comme plus qu’une trousse d’autodiagnostic du VIH, c’est tout un projet. Approuvé par Santé Canada en 2020, le test est livré dans une boîte avec des instructions en français et en anglais. La boîte contient divers accessoires, dont les divers accessoires pour réaliser le test (scalpel pour piquer le doigt et prélever une goutte de sang), des préservatifs, du lubrifiant et des instructions sur la façon d’agir après avoir reçu les résultats. Le test est fait pour être passé discrètement. Il est disponible pour la commande en ligne et la livraison à votre domicile ou à votre centre de santé et de bien-être. Haoua Inoua, directrice de l’éducation et de la prévention à la Commission du sida d’Ottawa (CSO), explique qu’il est également possible d’être accompagné dans la démarche. Selon le site GetaKit, cet outil accueille les personnes ayant des craintes ou des inquiétudes liées au système de santé. Jusqu’à présent, 4 500 personnes ont accès au kit. Parmi ceux-ci, 26 % ont déclaré n’avoir jamais subi de test de dépistage du VIH auparavant. Cependant, 80% font partie des groupes les plus touchés par le VIH. L’outil d’autocontrôle peut être décrit, selon O’Byrne, comme un « pansement ». Selon un article de La Source canadienne d’information sur le VIH et l’hépatite C (CATIE), on estime que sur les 62 050 personnes soupçonnées d’être séropositives au Canada en 2018, 87 % avaient été diagnostiquées et savaient qu’elles étaient porteuses (53 750 personnes) et que 94 % des sujets traités ont obtenu une suppression virale (43 350). La stigmatisation au cœur du problème La stigmatisation est au cœur du manque de dépistage, selon O’Byrne, qui affirme également que le Canada a suffisamment de traitements médicaux disponibles pour les personnes diagnostiquées avec le VIH. Il précise que “si vous avez accès aux soins et prenez vos médicaments, vous aurez une charge virale indétectable”. Le problème, dit-il, réside dans le regard sociétal dénigrant qu’il va porter sur ces personnes, ce qui “empêche les gens de vouloir se faire tester et de les voir tester”. Selon CATIE, les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (gbHARSAH) sont plus à risque d’être infectés par le VIH au Canada. Les personnes transgenres, noires, autochtones et les personnes qui consomment des drogues sont également des populations à risque. O’Byrne souligne qu’il y a eu des succès majeurs dans la réduction des nouvelles transmissions du VIH chez les hommes gbHARSAH, mais moins dans d’autres groupes. Pour Inoua, spécialiste de la communauté afro-canadienne, cela peut s’expliquer par les multiples obstacles auxquels sont confrontés différents groupes pour recevoir des diagnostics, notamment le racisme et la discrimination. Ces événements créent un manque de confiance dans les communautés affectées dans le système médical, estime-t-il. Selon Inoua, les membres de ces communautés se disent : “Je ne vais pas aller me faire dépister pour ne pas avoir à ajouter d’autres formes de stress à ma vie déjà assez stressante”. Et à long terme ? Le gouvernement canadien veut atteindre l’objectif fixé lors de la Conférence internationale sur le sida « de faire du VIH un problème de santé publique d’ici 2030 ». Le Canada se classe parmi les pays où la prévalence du VIH est la plus faible. Pour Roland Pongou, professeur adjoint à l’École des sciences sociales de l’U d’O, la société est plus sage aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a quelques années. Pour le directeur du CSO, il est important de transmettre le fait que « le VIH fait partie de la santé globale d’une personne. Ce n’est pas parce qu’une personne est mariée ou appartient à la classe moyenne qu’elle n’est pas à risque. Il ajoute que les connotations négatives associées à la contamination doivent être abordées. Le CSO adopte différentes approches pour desservir les communautés de la région, y compris la clinique de prévention, qui est ouverte tous les lundis de 17h30 à 17h30. à 20h30