Posté à 12h00
Texte : Clémence Delfils La Presse
Détails : Rokaya YADE La Presse
Le Québec connaît une forte augmentation de son taux d’obésité, 27,6 % des adultes québécois faisant maintenant partie de cette catégorie. Malgré cette augmentation, la province demeure, avec la Colombie-Britannique, l’une des moins touchées au Canada. Les résultats de 2021 sont critiques pour l’ensemble du pays : plus de 29 % des Canadiens sont obèses, selon Statistique Canada, ce qui représente une augmentation de près de 3 points par rapport à 2015. L’augmentation est particulièrement élevée au Québec, où l’obésité a augmenté de 3,7 points au cours de la cette période. Bien que la hausse soit forte au Québec, le problème de l’obésité demeure plus aigu dans d’autres régions du pays. Hormis la Colombie-Britannique, qui a le taux le plus bas au Canada à 24,6 %, les taux sont plus élevés dans le reste du Canada, particulièrement dans le Canada atlantique où, par exemple, 42,2 % sont obèses dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador.
Une situation aggravée par la pandémie
«La pandémie n’a certainement pas aidé en termes d’inactivité physique, de temps d’écran. Ces facteurs, auxquels s’ajoutent les mesures restrictives d’accès aux activités sportives, ont eu un impact certain sur la dépense énergétique », observe Julie Riopel-Meunier, conseillère scientifique au Bureau d’information et de recherche sur la santé de la population. Les mesures plus restrictives imposées par le gouvernement du Québec en réponse à la pandémie peuvent donc expliquer la forte hausse observée dans la province. « Si les mesures étaient plus restrictives au Québec, cela pourrait avoir un impact, explique Julie Riopel-Meunier. La COVID-19 a accéléré un phénomène qui était déjà en cours, a déclaré Ahmed Jérôme Romain, professeur à l’École de kinésiologie et des sciences de l’activité physique de l’Université de Montréal. « L’obésité est à la hausse depuis de nombreuses années au Canada. Le COVID-19 n’est qu’un accélérateur de tous les phénomènes qui se déroulent depuis des années », dit-il.
La démographie : un facteur important
Parmi ces phénomènes, celui de la démographie joue un rôle clé, selon Julie Riopel-Meunier. Cela expliquerait notamment la baisse du taux d’obésité au Québec. “Nous sommes une province relativement densément peuplée avec de nombreux grands centres. En comparaison, la Saskatchewan est une province beaucoup plus rurale, ce qui signifie un moins bon accès à des aliments sains, un obstacle à l’utilisation du transport actif et un moins bon accès aux soins de santé. Si l’on en croit les villes qui sont plus propices à la consommation de fast food gras, la logique est différente. Parmi les facteurs limitant la propagation de l’obésité, celui de l’accessibilité à une variété d’aliments et de produits non modifiés est déterminant. “C’est le choix qui fait la différence. Si vous habitez plus loin, il est plus difficile d’avoir accès à des produits frais », explique Julie Riopel-Meunier. Même constat du côté d’Ahmed Jérôme Romain. “Les villes donnent accès à des environnements qui favorisent l’activité physique et les choix alimentaires”, affirme-t-il. Si on regarde la répartition de l’obésité au Québec, on se rend compte qu’en milieu rural, l’obésité est d’au moins 3 ou 4 points plus élevée que dans les centres urbains », ajoute l’expert.
La solution passe par les différents niveaux de gouvernement
Pour faire face à cette augmentation continue, des politiques provinciales et fédérales de sensibilisation et d’action continuent d’émerger. Au Québec, la lutte porte particulièrement sur les boissons sucrées avec le Plan d’action pour réduire la consommation de boissons sucrées et favoriser l’eau. On a tendance à penser que c’est quelque chose qui ne joue que sur le rôle de l’individu et sa capacité à s’autoréguler, mais ce n’est pas vrai. La personne se déplace dans l’environnement qui lui est donné. Ahmed Jérôme Romain, professeur à l’Université de Montréal Sous les paliers provincial et fédéral, le palier municipal permet le lien communautaire. « Plus les gouvernements sont impliqués, plus les autorités travaillent avec la communauté, mieux ça marche. Il y a des résultats quand on intègre tout le monde et quand on intègre aussi l’industrie », explique Julie Riopel-Meunier. L’industrie serait en effet décisive. “Le plus important est d’inclure l’industrie dans ces changements, par exemple en taxant les boissons sucrées”, souligne le conseiller scientifique. Cependant, les politiques anti-obésité seraient encore trop ignorantes de cet environnement. « Tout porte à croire que les moyens d’intervention mis en place pour faire face au phénomène de l’obésité au Québec reposent sur le financement [budget et fiscalité], persuasion et prise de conscience. Ces instruments ne comportent pas de mesures a priori suffisamment coercitives ou affectant les prix des produits », ajoute Julie Riopel-Meunier. Interrogé sur cette question, le ministère de la Santé et des Services sociaux a toutefois renouvelé son engagement à combattre l’obésité comme problème prioritaire de santé publique. Créer des environnements propices à de saines habitudes de vie et à une saine image corporelle serait au cœur de ses projets.