A première vue, rien ne doit susciter autant de fierté de la part de l’équipe de gendarmerie de Charente-Maritime. Et encore plus. En août 2019, ce fichier génial est né dans cette section. Le trentenaire est en vacances en famille dans un camping de Rivedoux-Plage, Ile de Ré. Il est pris en flagrant délit de voyeurisme. Il prenait des photos d’une femme avec son téléphone portable dans les douches. L’affaire aurait pu s’arrêter là si les gendarmes de Saint-Martin-de-Ré avaient immédiatement confondu le suspect en voyant les dernières images de son téléphone. Mais l’ordinateur portable est jeté, mis en mode vol et scellé conformément au protocole. En tant que scène de crime, elle est “gelée”. L’affaire aurait aussi bien pu s’arrêter là si l’adjudant Julien Laubreton s’était contenté de remplir uniquement la mission pour laquelle on venait de le solliciter. Ce médecin légiste numérique de l’équipe de gendarmerie de Charente-Maritime a du talent. Il a senti le danger.

Une seule photo

Le 16 août 2019, l’adjudant Laubreton est dans son bureau à La Rochelle lorsqu’il doit manipuler rapidement un téléphone portable en lien avec une prise de vue privée. Le propriétaire n’est pas du département, il faut faire vite. “Le fait qu’il ait été attrapé et que le téléphone portable ait été immédiatement mis de côté a permis de retrouver les images du camping”, raconte-t-il. S’il devait rechercher des fichiers supprimés, cela prendrait beaucoup plus de temps. » Je découvre une photo saisissante, pour ne pas dire choquante, dans laquelle il y a un bébé, une image de pédopornographie mais on ne voit pas l’auteur Très vite, le cyber gendarme trouve ce qu’on lui demande. « Je ne manipule jamais directement le téléphone. Je le branche et fais une copie de tout ce qu’il a sur mon ordinateur. Lors de l’exportation, toutes les images sont affichées. Devant ses yeux, plusieurs centaines d’images apparaissent en mosaïque sur son écran. Les dernières en date concernent le délit de voyeurisme. Mais Julien Laubreton a tout de suite été attiré par un dossier plus ancien. Datée de juin 2019. « J’ai découvert une photo impressionnante, pour ne pas dire choquante, dans laquelle il y a un bébé, une image de pédopornographie mais on ne voit pas l’auteur. On y voit juste une main et un bracelet de boules noires et argentées. Je vois que la photo est bien prise par l’appareil photo du téléphone. Je comprends qu’il faut aller plus loin. J’ai le droit d’intervenir si je découvre qu’en plus des images de référence, il y en a d’autres liées à une infraction pénale ou pénale. »

Identifier l’auteur

Ce qu’il voit n’est rien d’autre que le viol d’un tout petit bébé de 15 jours à peine. L’auteur force la fellation au nourrisson sur une seule photo. Il doit à tout prix déterminer qui est sur cette photo. “J’ai immédiatement appelé les gendarmes de Saint-Martin-de-Ré pour signaler ces découvertes et demander l’ouverture d’une nouvelle enquête sur le crime. J’ai étudié toutes les images du téléphone pour essayer de fermer le bracelet à quelqu’un. J’en ai trouvé une où l’on voit un homme dans un restaurant avec sa famille. Le bracelet qu’elle porte est identique. » A ce moment de l’enquête, Julien Laubreton ne sait pas s’il est le père, un oncle, un cousin du nourrisson. En lui envoyant ce nouveau cliché, ses collègues lui confirment que l’auteur est bien l’homme qu’ils interrogent sur les événements voyeurs et qu’il est un jeune papa. Le parquet de La Rochelle a abandonné l’enquête pour viol au profit du parquet de La Roche-sur-Yon. Les actes de viol ont probablement eu lieu au domicile familial des Sables-d’Olonne. Les investigations vont mettre au jour 50.000 images pornographiques, dont 500 avec des mineurs, toutes tirées d’Internet, rapportent nos confrères de “Ouest-France”. Julien Laubreton n’est pas surpris. « Lorsqu’il y a une image de pédopornographie stockée sur un téléphone, il y en a forcément plusieurs. Ces choses ne sont jamais fausses. »