Le navire humanitaire Ocean-Viking a accosté vendredi 11 novembre à Toulon avec 230 migrants secourus en Méditerranée. Il s’agit du premier débarquement en France d’un navire ambulance secourant des migrants en Méditerranée.
Au cours des trois dernières semaines, le navire de l’ONG SOS Méditerranée a demandé quarante-trois fois à l’Italie d’être autorisé à débarquer. En vain. Le bateau a donc mis le cap sur la France mardi. Dans un premier temps, l’exécutif avait fermé la porte à une éventuelle réception, renvoyant Rome à ses responsabilités. “La règle européenne est que le navire doit débarquer au port le plus proche, qui est un port italien”, a déclaré le ministre de l’Economie Bruno Le Maire à France 2 jeudi matin.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a finalement annoncé jeudi à midi que le port militaire de Toulon accueillerait vendredi l’Ocean-Viking, “par excellence” et sous un “devoir d’humanité”.
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Le navire, dont le sort a déclenché une lutte de plusieurs jours entre Paris et Rome, est arrivé au port militaire vers 8h45. de débarquer des migrants qui seront immédiatement placés en “zone d’attente”, a précisé M. Darmanin. Les rescapés de l’Ocean-Viking, dont cinquante-sept enfants, “ne pourront pas quitter le centre de commandement où nous les mettrons et ne seront donc pas techniquement sur le sol français”, a-t-il précisé.
Un médecin est monté à bord du navire avant l’accostage du navire, a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) la porte-parole de SOS Méditerranée, Méryl Sotty. “Le débarquement commencera d’abord par les personnes particulièrement vulnérables identifiées par le médecin français, puis les femmes, les enfants et les familles”, a-t-il ajouté.
“L’Italie était très inhumaine”
Leur arrivée en France est particulièrement tendue à droite et à l’extrême droite, qui a appelé au “relâchement” par la voix de Marine Le Pen. A l’opposé, la gauche et les écologistes ont salué un “devoir d’humanité” et une “décision digne des valeurs” de la France.
A partir de vendredi, toutes ces personnes – qui viennent de différents pays, dont certains sont en guerre, comme la Syrie – seront soumises à un suivi sanitaire puis à des contrôles de sécurité par les agences de renseignement. Ils seront ensuite entendus par l’Office français de protection des réfugiés (Ofpra), qui accorde le statut de réfugié, a indiqué le ministère de l’Intérieur.
Au milieu de la présentation d’un projet de loi sur l’immigration qui prévoit notamment de réformer les procédures d’asile afin de réaliser davantage d’expulsions, l’entourage de M. Darmanin a précisé que “ceux qui ne reçoivent pas l’asile seront transférés directement de la zone d’attente vers le pays d’origine”. De toute façon, les deux tiers des personnes ne resteront pas en France, car elles seront relocalisées dans neuf pays, a indiqué le ministère, citant l’Allemagne, qui en accueillera environ quatre-vingts, le Luxembourg, la Bulgarie, la Roumanie, la Croatie, la Lituanie, Malte, le Portugal et l’Irlande. .
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M. Darmanin a vivement critiqué le nouveau gouvernement italien d’extrême droite, qui a refusé d’ouvrir ses ports à Ocean-Viking alors que la loi maritime, selon lui, l’y obligeait : « L’Italie était très inhumaine. Il a annoncé la suspension “avec effet immédiat” de l’accueil prévu de 3.500 migrants actuellement en Italie et promis d’en tirer “les conséquences” sur d’autres aspects de sa “relation bilatérale”.
Des contrôles renforcés à la frontière franco-italienne ont été mis en place à “plus d’une douzaine” de points de passage, y compris en montagne, a également annoncé vendredi la police française. Près de 500 policiers et gendarmes supplémentaires seront mobilisés pour garantir « la sécurité [vingt-quatre heures sur vingt-quatre] “, a déclaré la police.
Mécanisme de relocalisation
En effet, si le droit de la mer impose de secourir les migrants en danger, il ne dit pas quel État doit les accueillir, un flou qui incite les pays à se renvoyer la balle. En effet, le débarquement des migrants sur les navires humanitaires fait presque systématiquement l’objet de négociations tendues entre États, dans le but de les répartir.
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De son côté, SOS Méditerranée a dit ressentir “un soulagement doux-amer”. “Les rescapés ont vécu un véritable calvaire”, a déclaré à l’AFP la directrice de l’ONG, Sophie Beau. Quatre des 234 migrants du navire de secours ont dû être évacués jeudi vers la Corse, dont trois pour raisons médicales.
Il est “urgent que les Etats européens mettent en place un mécanisme permanent de distribution”, a encore plaidé Mme Beau, alors que l’Italie intensifie sa rhétorique anti-immigration. “L’Europe doit encore augmenter la pression sur le gouvernement italien pour le contraindre à respecter ses engagements”, a déclaré Delphine Rouilleault, présidente de l’association France Terre d’Asile.
Depuis juin, un programme de relocalisation des demandeurs d’asile a vu douze États membres de l’Union européenne (UE), dont la France et l’Allemagne, accueillir volontairement 8 000 migrants arrivant dans les États méditerranéens. (Italie, Chypre, Grèce, Espagne, Malte). . Cependant, seuls une centaine de migrants ont été réinstallés dans le cadre de ce mécanisme. Nombre insuffisant, juge l’Italie.
Depuis le début de l’année, 1.891 migrants ont disparu en Méditerranée en tentant de rejoindre l’Europe, selon l’Organisation internationale pour les migrations.
Le monde