Le texte porté par l’ancien journaliste vise à modifier l’article 521-1 du code pénal, qui punit déjà la maltraitance animale, pour y inclure la tauromachie. Appliquées et autorisées uniquement dans le Sud de la France, ces dernières font exception à la loi, car les règles ne leur sont pas applicables “lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée”. Cosigné par plus de quatre-vingts élus de La France insoumise (LFI) et des groupes écologistes, le projet de loi doit désormais être examiné dans l’Hémicycle à l’occasion de la journée de l’initiative parlementaire « insoumise », jeudi 24 novembre. Les chances de le voir approuvé en première lecture sont minces, mais il y en a tant la question divise tous les députés. A lire aussi : Article destiné à nos abonnés “Ce n’est pas la peine d’interdire la tauromachie par la loi puisqu’elle finira par disparaître d’elle-même”

Scission La Nupes : PS et PCF majoritairement défavorables

La tauromachie a longtemps été un sujet de discussion à gauche. Si les élus d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) – qui ont tenté en vain d’interdire la pratique en 2013 à l’Assemblée nationale, puis en 2021 au Sénat – et ceux de LFI s’accordent dans leur volonté d’interdiction, la division n’est pas la même du côté du Parti socialiste (PS) et du Parti communiste français (PCF). Ces deux partis bien établis défendent depuis longtemps la tauromachie, qui, selon eux, fait partie intégrante de l’identité des territoires. Dans l’accord conclu par les Nupes pour les élections législatives, la proposition était donc de celles soumises « à la sagesse de l’Assemblée ». Il est clairement indiqué que “le PS et le PCF ne soutiendront pas les propositions concernant la chasse et la tauromachie”. A lire aussi : L’article est destiné à nos abonnés Jeunes toreros piqués : « Chacun vit sa vie, alors pourquoi nous interdire la nôtre ? »
A l’approche d’un vote sensible, qui “interroge sa moralité et son rapport à l’animal”, les communistes du Groupe de la gauche démocratique et républicaine (GDR) voteront contre le texte à la majorité, mais laisseront “une liberté de vote” à peu de députés qui lui sont favorables, a déclaré au Monde son président, le député du Puy-de-Dôme André Chassaigne. Au sein du groupe socialiste, divisé sur la question, les voix devraient être partagées entre s’abstenir et voter contre, estime un député.

La droite votera contre

La droite, qui compte 62 élus à l’Assemblée, partage une position plus unanime sur la question. “Nous sommes assez” pour “dire notre attachement à cette tradition taurine”, a déclaré à l’AFP le président du groupe Les Républicains (LR), Olivier Marleix. En commission juridique mercredi, la députée du Maine-et-Loire Anne-Laure Blin, qui a défendu la position de son groupe, a confirmé que “le groupe LR votera[it] contre ce projet de loi’, qui s’en prend à la ‘culture populaire’ et à la ‘tradition unioniste’. Dans leurs rangs, l’un des prétendants à la présidence des Républicains (LR), le député de Lot Aurélien Pradié, avait surtout traité de la question lors de la campagne régionale de 2021, où il était candidat en Occitanie, le pays des corridas. . L’élu de 36 ans a alors confirmé dans les colonnes de Midi libre : “Je me battrai pour préserver la corrida. » Le député Eric Pauget (LR), élu des Alpes-Maritimes, s’est toutefois fait remarquer par sa position unique en faveur de l’interdiction de la pratique lors des débats sur la loi contre la maltraitance animale en 2021. Il a déclaré dans Le Journal du dimanche : « Permettrions-nous le spectacle du taureau continuer, qui est torturé dans des conditions de barbarie absolue et qui est finalement tué ? (…) Ça me choque. »

Au RN, un clivage entre bêtes et élus du Sud

A l’extrême droite, Marine Le Pen est connue pour être une ardente défenseure du sort des animaux. Chef de file des députés du Rassemblement national (RN) depuis juin, il s’est prononcé pendant la campagne présidentielle en faveur de l’interdiction de la tauromachie pour les mineurs, mais n’a pas appelé à une interdiction totale. A lire aussi (archive 2016) : Article pour nos abonnés Corrida, le combat sans fin
Au micro de BFM-TV mercredi, il a confirmé cette position en disant qu’il ne voterait pas en faveur du texte de M. Caron. Selon elle, “ce sont des traditions locales qu’il faut préserver” et “l’urgence” en matière de protection animale est plutôt l’interdiction de “l’abattage sans étourdissement”. Cette crête tenue par Mme Le Pen s’explique par le fait que son équipe est également divisée sur la question. Parmi les 89 députés du RN, les quatre députés RN du Gard – Yoann Gillet, Nicolas Meizonnet, Pascale Bordes et Pierre Meurin – ont surtout fait savoir, via la presse locale, qu’ils s’opposeraient fermement au texte porté par la militante. Il en va de même pour Emmanuel Taché de la Pagerie, député du 16e arrondissement des Bouches-du-Rhône (Arles), fervent défenseur de la tauromachie. Au contraire, des députés comme Julien Odoul, élu dans l’Yonne et militant de la Ligue des animaux, ou la députée de la Marne Anne-Sophie Frigout souhaitent voir cette pratique interdite. Le premier affirmait à CNews en août que “le spectacle de la souffrance animale n’a plus sa place en France en 2022”.

Le gouvernement s’y oppose, mais la majorité est divisée

Comme prévu, le gouvernement a annoncé en début de semaine qu’il s’opposerait au texte porté par M. Caron. “Il ne s’agit pas d’être fan (…) Cela fait partie des traditions culturelles locales”, avait fait valoir le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, le 8 novembre au Sénat public. La tauromachie “n’est pas la priorité des priorités”, a ajouté le 15 novembre à franceinfo le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu. C’est le ministre d’Etat chargé de l’agriculture, Dominique Faure, qui sera en cabinet le 24 novembre pour défendre cette position, en lieu et place du garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, ardent défenseur de la tauromachie. temps estimé pour le faire. Lire nos archives : La tauromachie en France, une exception bien culturelle
Mais pour la majorité, la question de l’interdiction des corridas est toujours gênante. En réunion de groupe, les députés de la Renaissance se sont donc prononcés mardi pour la liberté de voter sur ce texte, mais pour une position commune pour condamner l’attitude jugée radicale par le député “révolutionnaire” en la matière. La présidente du groupe, la députée des Yvelines Aurore Bergé, se range du côté des anti-corrida. Alors qu’il n’était pas encore dirigeant macroniste, il avait signé en juillet 2021 une plateforme en faveur de l’interdiction de la pratique. Une position partagée, d’ailleurs, par le vice-président du groupe, le député parisien Sylvain Maillard. Des députés du Sud comme Patrick Vignal, élu dans l’Hérault, ou encore le député du Gers Jean-René Cazeneuve, s’opposent à toute interdiction, tentant de convaincre leurs collègues indécis d’en faire autant. « Ça va disparaître tout seul, il y en a de moins en moins. Cela n’a aucun sens de l’interdire et d’humilier les gens pour qui ce sont des traditions”, a plaidé ce dernier auprès de l’AFP. La trentaine de députés du groupe Horizons a décidé mardi en réunion de groupe de voter contre le texte alors que les députés MoDem du Groupe démocrate “voteront massivement contre ce projet de loi”, qui “insulte en réalité notre patrimoine culturel, notre identité”. , s’est défendue mercredi en commission la députée des Pyrénées-Atlantiques Florence Lasserre. En attendant la pause de la demi-finale, la conversation se poursuit sur la route ce week-end. Des mobilisations sont prévues dans les villes taurines contre l’interdiction, ainsi que des actions d’associations de défense des animaux en soutien à la proposition d’Aymeric Caron. Reste à savoir si l’Assemblée aura le temps d’examiner le texte en séance lors de la journée très chargée de la « position » parlementaire LFI, où il figure en quatrième position sur douze textes présentés. Marie Pouzadoux