Bien que je regarde beaucoup de classiques, j’essaie de me tenir au courant, de rester au fait des nouvelles tendances. Je vois ce qui se passe ici, bien sûr, mais aussi en Corée du Sud, en Iran, en Suède et en France. SUJET FAVORI En France, le grand sujet, au cinéma, c’est l’immigration. J’ai l’impression que trois films sur cinq traitent de cela. Et toujours de la même manière, du même point de vue. Il semble que tous ces films aient été écrits par le même scénariste. Vous voulez savoir à quoi ressemble un film français typique ? Simple. Marie est française de souche. Son mari, un bourgeois qui n’arrête pas de travailler, ne s’intéresse pas à elle. Un jour, Marie rencontre un clandestin dans la rue. (Il se cachait dans une ruelle parce qu’il était poursuivi par un méchant flic raciste.) Elle tombe follement amoureuse de lui. Grâce à ce mec canon, elle retrouve le goût de la vie. Il apprend les vertus de l’entraide, de la communauté. Il chante, joue de la musique, passe de merveilleuses nuits dans un camp de fortune. Puis elle quitte son mari et part travailler dans une organisation d’aide aux réfugiés, où elle trouve enfin un sens à sa vie. Rabat. Je vous jure, si je n’ai pas vu 30 films français comme ça, je n’en ai pas vu un seul. Ils semblent être fabriqués en usine. Comme les cookies. D’UNE CONTINUITÉ À L’AUTRE Je comprends que nous voulons lutter contre le stéréotype du méchant terroriste immigré. Mais c’est comme si on était passé d’un cliché à l’autre… Le rôle du cinéma est-il de « faire passer des messages » et « d’éduquer la population » ou de montrer la vie telle qu’elle est ? Dans toute sa complexité ? Il semble, en regardant ces films, qu’il n’y ait pas de problème d’immigration. Personne. Tout est beau, tout est rose. Il y a la mauvaise société d’accueil (pleine de colonialistes blancs, égoïstes, racistes, avouons-le, ce n’est pas un baume) et les bons immigrés, pas encore infectés par les mauvaises valeurs occidentales. Désolé, mais la vie ne fonctionne pas ainsi. Ce n’est pas tout noir ou tout blanc. Ces films sont des contes de fées. Comme me le disait Mathieu Bock-Côté l’autre jour : « C’est comme si l’immigration était le seul phénomène de société qui n’a pas d’aspect négatif. PAS D’ANGES NI D’ANIMAUX Les flux migratoires soulèvent des questions extrêmement complexes pour l’Occident. Peut-on en parler sérieusement, sans tomber dans la diabolisation ou le ghosting ? Non, l’immigration n’est pas la panacée à tous nos maux. Oui, une immigration de masse mal maîtrisée peut causer de graves problèmes sociaux. Et non, ce n’est pas toujours la faute de la société d’accueil si certains immigrés ne parviennent pas à s’intégrer. Arrêtons de nous raconter des contes de Noël et des histoires d’eau de rose. Il y a des succès en matière d’immigration, mais il y a aussi des échecs. Et vous devez avoir le courage de regarder les deux côtés de la médaille.