C’est finalement à Toulon que débarquera ce vendredi l’Ocean Viking et ses 234 migrants encore à bord, bloqués en mer depuis dix-neuf jours. C’est “un devoir d’humanité”, a déclaré Gérald Darmanin ce jeudi. “C’est à titre exceptionnel que nous accueillons ce navire, compte tenu des quinze jours d’attente en mer que les autorités italiennes ont fait subir aux passagers”, a déclaré le ministre de l’Intérieur. Quatre ans après la crise de l’Aquarius, le sort des migrants de l’Ocean Viking, un navire de SOS Méditerranée, a de nouveau enflammé les relations entre Paris et Rome.

Une attitude “inacceptable”

Malgré le refus initial des autorités italiennes, trois autres navires ont récemment pu accoster sur les côtes italiennes. Cependant, aucune des 43 demandes d’Ocean Viking pour un accès sûr au port n’a reçu de réponse positive. Face à une impasse, SOS Méditerranée s’est tournée vers la France. Gérald Darmanin a alors critiqué “l’attitude inacceptable” de l’Italie et contraire au “droit international”. Ce jeudi, quatre des 234 migrants à bord, dont trois pour raisons médicales et un accompagnant, ont ensuite été acheminés par hélicoptère vers la Corse. Par la voix du ministre de l’Intérieur, la France a finalement désigné Toulon comme port d’accueil de tous les migrants encore à bord du navire d’aide humanitaire.

“L’Italie est la grande perdante”

“L’Italie est la grande perdante de ces attitudes. Elle se met en dehors de sa solidarité européenne et de ses propres engagements. Il y aura des conséquences extrêmement fortes sur la relation bilatérale et européenne”, a confirmé Gérald Darmanin. En représailles, le gouvernement a décidé de suspendre “avec effet immédiat” l’accueil prévu de 3.500 migrants actuellement en Italie cet été et a appelé “notamment l’Allemagne” à faire de même. “Il faut désormais pouvoir organiser les choses différemment pour que l’Italie ne puisse pas à la fois bénéficier de la solidarité européenne tout en étant égoïste lorsque des réfugiés, notamment des enfants, apparaissent” dans ses ports, a déclaré Gérald Darmanin.

L’Italie juge la réaction française “totalement incompréhensible”

“La réaction de la France à la demande d’accueil de 234 migrants, alors que l’Italie n’en a accueilli que 90 000 cette année, est totalement incompréhensible”, a réagi quelques heures plus tard le ministre italien de l’Intérieur, Matteo Piandedosi. “La nervosité de certains hommes politiques français face à l’arrivée de 234 migrants par bateau est inexplicable”, a abondé dans le même sens Matteo Salvini, qui a occupé le même poste entre 2018 et 2019. “La France n’a concédé que 38 débarquements.” “C’est l’Italie qui doit protester, pas les autres”, a-t-il ajouté. Les autorités italiennes n’avaient initialement accepté que les femmes, les enfants et les malades, une classification décrite par Rome comme un moyen de faire pression sur l’UE pour qu’elle l’aide davantage. Matteo Piandedosi a dénoncé la volonté “d’imposer le principe que l’Italie est la seule arrivée européenne possible pour les immigrés illégaux” et le fait que malgré les assurances de solidarité européenne, la péninsule “n’a jusqu’ici été confrontée qu’à ce problème”.

L’Italie en “première ligne”

L’Italie, longtemps en « première ligne » des arrivées de migrants, accueille chaque année des milliers de personnes qui ont entrepris la traversée de la Méditerranée. Il dénonce régulièrement le manque de solidarité européenne. Le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a clairement indiqué mercredi que la crise actuelle était un message envoyé à l’Europe et que son gouvernement soulèverait la question lors d’un Conseil des ministres de l’UE la semaine prochaine. Depuis juin, un programme de relocalisation, qui connaît déjà une première phase en 2019, verra une douzaine d’États membres, dont la France et l’Allemagne, accueillir volontairement 8 000 migrants arrivés dans des pays comme l’Italie, près des côtes libyennes. Cependant, seuls 164 ont été relocalisés en 2022 depuis l’Italie vers d’autres États membres, dont 117 dans le cadre du mécanisme approuvé en juin. Un chiffre jugé insuffisant par l’Italie, qui revendique environ 88.100 personnes arrivées sur ses côtes depuis le 1er janvier.

Nouveau gouvernement d’extrême droite

La crise survient trois semaines seulement après la formation du gouvernement italien le plus à droite d’après-guerre, dominé par le parti postfasciste Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni, mettant de facto fin à une époque dorée marquée par l’amitié entre Emmanuel Macron. et l’ancien Premier ministre Mario Draghi. La coalition de Giorgia Meloni comprend principalement la Ligue de Matteo Salvini, un parti basé principalement sur la rhétorique anti-immigrés. L’actuel ministre des Transports, Matteo Salvini, est poursuivi pour avoir bloqué des migrants en mer en 2019 alors qu’il était ministre de l’Intérieur. La Première ministre italienne Giorgia Meloni a défendu mercredi sa politique consistant à autoriser uniquement les migrants les plus vulnérables à débarquer sur des navires humanitaires, affirmant qu’ils ne sont “pas naufragés”.