Situé à l’origine au sous-sol de l’UdeM, l’Institut est rapidement déménagé dans l’est de Montréal, dans l’ancien hôtel de ville de Maisonneuve – aujourd’hui occupé par la bibliothèque Maisonneuve. Des patients de Montréal et d’ailleurs y ont été soignés sans relâche jusqu’à sa fermeture en 1967. Les archives de l’Institut du Radium et de Joseph-Ernest Gendreau, conservées au Service des archives et de la gestion de l’information de l’Université, témoignent du travail de cette institution unique.

Une institution pionnière dans la recherche et le traitement du cancer

Extracteur de fumée de radium, Institut du Radium de Montréal, 6 mars 1943 Réalisation : Edgar Gariepy. 1 photographie : Noir et blanc, 17×12 cm Archives UdeM, Fonds Joseph-Ernest Gendreau, P0454c050853AH-0005 Réalisé en béton avec l’achat de 1,25 g de radium (au coût de 100 000 $) du gouvernement du Québec, l’implantation de l’Institut est accueillie avec enthousiasme. Le domaine de la recherche médicale est alors en plein essor : la découverte du radium par Marie et Pierre Curie en 1898 est perçue comme une véritable révolution dans le traitement du cancer. C’est donc le modèle de l’Institut du Radium de Paris – où le Dr. Gendreau – que nous voulons reproduire au nouvel institut de Montréal. A l’époque, le radium – élément chimique radioactif – était perçu comme une véritable panacée, dont les bienfaits dépassaient le seul contexte médical. Dans une lettre adressée en 1922 à Athanase David, secrétaire provincial du gouvernement d’Alexandre Taschereau, le Dr. Gendreau a écrit : « Du point de vue de la santé publique, [le radium est] une acquisition très utile, qui aura ses implications financières, puisque le combat pour la santé devient finalement un combat pour les possessions matérielles mais aussi pour le bonheur. Dépositaire du radium acheté par l’État du Québec, qui en demeure propriétaire, l’Institut du radium – alors affilié à l’UdeM – est responsable de l’exportation des fumées de radium. Ces fumées sont ensuite utilisées pour traiter certains types de cancer, soit sous forme d’injections dans les tissus cancéreux, soit par exposition directe aux rayonnements. En contrepartie de ce monopole de collecte des émissions, l’Institut doit distribuer les émissions excédentaires non utilisées aux autres hôpitaux de Montréal.

Joseph-Ernest Gendreau : le fondateur et l’âme de l’Institut

Portrait du Dr Joseph-Ernest Gendreau [avant 1949] Source : Photographe inconnu. 1 photographie : Épreuve noir et blanc, 25 x 20 cm Archives UdeM, Fonds Joseph-Ernest Gendreau, P0454c050853AH-0012 Originaire de Coaticook, Joseph-Ernest Gendreau a étudié les sciences physiques et chimiques ainsi que la médecine en Europe, auprès de professeurs renommés tels que Marie Curie et Antoine Béclère. De retour au Québec peu après la Première Guerre mondiale, il devient professeur de physique et de chimie à l’UdeM. Il met alors ses connaissances à profit pour fonder un institut sur le modèle de l’Institut du Radium à Paris. La double mission de l’Institut, à la fois institution de recherche et hôpital dédié au traitement des personnes atteintes de cancer, a provoqué une véritable crise d’identité qui a conduit à son retrait des locaux universitaires. Cependant, la position du Dr Gendreau est claire : l’Institut doit soigner les malades, peu importe leur origine ou leurs moyens financiers. Dans un cahier publié en 1924, le médecin résume ainsi sa démarche et les travaux menés à l’Institut : « En poursuivant ces recherches, nous avons traité de nombreux patients, la plupart presque gratuitement, sans refuser personne pour des raisons de pauvreté. » Rappelons que l’Institut a été actif bien avant l’instauration d’un programme universel d’assurance-maladie au Québec.

Un institut en difficulté financière et bientôt obsolète

Infirmière au chevet d’un patient dans une salle de traitement, Institut du Radium de Montréal [après 1924] Réalisation : Edgar Gariepy. 1 photographie : Noir et blanc, 15×11,5 cm Archives UdeM, Fonds Joseph-Ernest Gendreau, P0454c050853AH-0008 Pionnier en oncologie au Canada, l’Institut du Radium se caractérise cependant par une précarité financière qui va s’aggraver. Les subventions qui lui sont accordées en raison de son statut de centre de recherche et de traitement rattaché à l’Université de Montréal ne suffisent pas à couvrir les besoins en équipement et en ressources humaines de l’établissement. Les revenus des patients sont négligeables. Le bâtiment occupé par l’Institut pose également problème : il manque de place pour les patients et d’équipements pour protéger le personnel et les patients des radiations dont la dangerosité est progressivement reconnue. De plus, après la Seconde Guerre mondiale, un nombre croissant d’hôpitaux montréalais se dotent d’équipements de radiologie de plus en plus performants. Si l’usage médical du radium est progressivement abandonné en raison des risques sanitaires encourus, la radiothérapie moderne doit cependant beaucoup aux recherches menées autour du radium. L’Institut de la radio de Montréal ferma définitivement ses portes en 1967. Au cours de ses 45 années d’exploitation, environ 67 000 personnes furent traitées. Pour apprendre plus: Fonds Institut du radium: Fonds Institut du radium – Archives UdeM (accesstomemory.org) Fonds Joseph-Ernest Gendreau : Fonds Joseph-Ernest Gendreau – Archives UdeM (accesstomemory.org)