Après plus de 50 ans de carrière, Joël Le Bigot est arrivé à la conclusion que l’environnement informationnel n’a pas évolué en mieux. Il déteste les réseaux sociaux, il évite les chaînes d’information permanentes, mais il déteste surtout le politiquement correct. L’animateur de 76 ans craint que ses successeurs ne puissent jamais poursuivre la liberté de ton qui a été son motif tout au long de sa vie. Qui pourrait tenir tête aux patrons sans profiter de la popularité de Joël Le Bigot ? “Je ne me suis jamais empêché de parler, même si je sais que cela dérangeait l’administration. L’agacement de l’administration, en fait, était un plaisir pour moi. Mais maintenant, les animateurs regardent, “il pleure avec la joie qu’on lui connaît. Joël Le Bigot ne regrette pas Radio Canada, qui l’accuse de s’être éloigné de son mandat international au cours des dernières décennies. Au quotidien, on accorde trop d’importance à l’actualité qui selon lui n’en est pas une. Événements divers, discussions sémantiques et autres polémiques byzantines qui durent des jours : Joël Le Bigot n’y prêta jamais attention. Ce nationaliste convaincu, qui ne cache pas qu’il a voté oui en 1980 et 1995, conteste aussi le mandat pancanadien du radiodiffuseur public, qui doit refléter la réalité des Canadiens d’un océan à l’autre dans sa couverture de l’actualité. “Entendre parler d’une fausse tornade pendant huit minutes n’est pas une nouvelle. C’est nouveau un instant, puis il faut passer à autre chose, l’actualité internationale, en Afrique par exemple. Criss ! Il y a un incendie à Bathurst et ils nous le montrent à la télé, ce n’est pas normal. Nous parler de la crise des opioïdes à Vancouver, c’est bien. Mais pourquoi être en colère quand quelqu’un frappe à une bouche d’incendie en Alberta? Joël Le Bigot est captivé par cet humour intense que ses auditeurs ont appris à apprécier.
je ne regrette pas
Cela dit, Radio-Canada n’a jamais cherché à le poursuivre, avoue le nouveau retraité. Et pour cause, il a permis à ICI Première de rester en tête de l’écoute télévisée du samedi matin, sondage après sondage, pendant près d’un quart de siècle. Cette honnêteté parfois désarmante, qui a fait son succès, a pourtant occupé le médiateur de l’entreprise gouvernementale ces dernières années. En 2019, Joël Le Bigot avait été réprimandé pour s’être réjoui du meurtre en Inde d’un missionnaire chrétien de la tribu isolée des Sentinelles, qu’il tentait d’évangéliser. L’animateur, qui n’a jamais caché son hostilité aux religions, avait également été réprimandé quelques années plus tôt pour avoir tenu des propos suggérant un lien entre pédophilie et islam. “Il y a une femme bien qui s’est plainte de quelque chose que j’ai dit à propos de l’Islam. Seulement un ! Si 20 personnes disaient que j’en ai trop fait, je n’aurais aucun problème à m’excuser. Mais avec chaque plainte, nous ne parlons que d’une seule personne. “C’est dommage que le Protecteur du citoyen défende les intérêts de Radio-Canada et non ceux du public”, a déclaré l’homme, qui a affirmé avoir pris un malin plaisir durant sa carrière “toujours en ligne” dans ses propos.
pluie de louanges
Ce style, très propre à l’antenne de Radio Canada, lui a valu une part de critiques tout au long de sa carrière. Il a été accusé d’être dépassé et même réactionnaire. Manque d’objectivité. Être irrespectueux, surtout envers les femmes de son équipe. Joël Le Bigot a toujours été complètement indifférent à ces accusations. Mais parmi ses associés, on sait que pour certains c’était à la mode de détester l’hôte Samedi et rien d’autre. “Bien que nous nous en soucions, même s’il peut être dur et peut couper les choses, il a toujours été très respectueux. Pour moi, il est le patriarche de la radio. Quand j’ai commencé à participer à son émission, j’avais peur, parce que j’avais entendu toutes sortes de choses. Mais il s’avère que, sous son regard grincheux, c’est quelqu’un qui écoute. « Qui amène ses collaborateurs à devenir meilleurs », corrige avec beaucoup d’admiration la chroniqueuse culturelle Ariane Cipriani. Une émotion partagée par Francine Grimaldi, une fidèle collègue jusqu’à sa retraite en 2019. “Il a eu la générosité de faire passer les autres en premier. Il n’a jamais été exposé, bien qu’il ait une culture étonnante. “Il ne reste plus beaucoup d’animateurs avec un tel niveau de connaissances”, estime l’ancien chroniqueur, qui estime que Joël Le Bigot est tout simplement irremplaçable.