Crash-test Rio-Paris : Air France nie toute responsabilité dans le crash Alors que le public rugit, Christophe Cail, le porte-parole d’Airbus âgé de 61 ans, répond aux questions des premiers avocats des parties civiles avec des leçons de pilotage et de jargon aéronautique, pendant 10 minutes, l’ambiance devient électrique. Alain Jakubowicz, conseil d’une centaine de proches de victimes, se lève et regarde le représentant d’Airbus. A seulement trois mètres l’un de l’autre, les deux hommes se regardent droit dans les yeux, le cadre d’Airbus croise les bras, s’étire. Alain Jakubowicz n’hésite pas à dévoiler son jeu, mais la stratégie est efficace : faire comprendre à Christophe Cail que la catastrophe de l’avion est bien due à des erreurs de l’équipage, comme l’avionneur l’assure depuis plus de 13 ans. Sauf que depuis le début du procès le 10 octobre, Airbus ne l’a jamais dit à l’audience.La première attaque d’Alain Jakubowicz. « Les détecteurs de vitesse de l’avion sont-ils la cause de l’accident ? , demande l’avocat. Pour le pilote d’essai d’Airbus, “la réponse est non. Personne ne peut admettre qu’un simple glaçon des sondes Pitot ait provoqué le crash de l’avion”, le ton est donné. Entre les deux, il n’y a pas de concession. « Soyons honnêtes, allons-y », relance Alain Jakubowicz. L’accident “était-ce une erreur du pilote, votre position est-elle claire?” Devant une quarantaine de familles, le représentant d’Airbus répond, clairement. “L’événement déclencheur est les erreurs de mode pilote”. Le coup est dur. Danièle Lamy, présidente de l’association “Entraide et Solidarité”, qui a perdu son fils dans l’accident, se lève. Tremblant, il quitte la salle d’audience. Ce n’est pas encore fini. “On a vu que l’équipage ne fonctionnait pas, je suis désolé…” pousse Christophe Cail. “C’est une erreur, ce n’est pas un jugement de valeur. Il ne faut pas avoir peur de dire que c’est une erreur de conduite. La vraie question est pourquoi ?” Des applaudissements pleins d’ironie résonnent du banc des partis politiques. “Champion!” s’exclame Ofeli Touliou, qui a perdu son frère dans l’accident de la circulation. Imperturbable, l’homme d’Airbus, toujours les bras croisés, enfonce le clou : “Quand je monte dans un avion, j’attends du pilote qu’il sache gérer cette panne” des détecteurs. “Je pense que je ferais mieux.” C’est le coup de foudre pour les proches des victimes, qui ont été frappés par ces propos. Alain Jakubowicz reprend : “Chez Airbus, vous êtes tellement confiant dans vos statistiques que pour vous ce type d’accident est si improbable que vous vous dites que ça n’arrivera pas. A mon avis, Airbus doit prévoir que ça peut arriver.” La meilleure preuve, c’est que c’est arrivé.” L’avocat ne parvient toutefois pas à déstabiliser son adversaire, mais lance un ultime coup de poing à Airbus comme à Air France, dont le représentant est présent à l’audition de l’avionneur. “Pour vous donc, la faute aux pilotes, je constate que l’audience prend une autre tournure en ce moment, maintenant j’attends la réaction d’Air France.” Maître Alain Jakubowicz dans le processus d’audience Une réaction très attendue par les partis politiques qui dénoncent depuis plusieurs jours une forme de “pacte de non-agression” entre Air France et l’équipementier historique Airbus. L’avocat d’Air France, Me François Saint-Pierre est intervenu plus tard pendant une quinzaine de minutes. « Maître Jakubowicz a des questions qui sont des ordres », déclare-t-il. Mais contraint de réagir, le directoire d’Air France quitte Airbus : “nous avons été choqués et avons protesté”. Quant à cette accusation de “pacte de non-agression” portée contre Air France et Airbus, Maître Saint-Pierre “proteste”, car pour lui “c’est faux, nous défendons librement Air France”. Une protestation a également été faite par l’un des conseillers d’Airbus, le capitaine Antoine Beauquier.