Mgr DB : J’ai été nommé officiellement le 9 janvier 2021, mais c’est en décembre 2020, après avoir répondu positivement à l’appel du pape, que le nonce a discuté avec moi de diverses questions du diocèse dont la procédure normale concernant Michel Santier, me donnant des informations sur ce qui est accusé. Avant, vous ignoriez ce procédé, bien que vice-président de la Conférence épiscopale de France ? Mgr DB : J’avais entendu dire que cela avait été contesté par quelqu’un. Mais il y a une différence entre le fait qu’ils soient impliqués, le fait qu’ils fassent l’objet de poursuites ou que des faits soient reconnus. Monseigneur de Belfort-Montbéliard, eh bien, je n’ai pas besoin d’intervenir dans ce dossier et je ne vois pas du tout de quoi il s’agit. Comme l’a rappelé Mgr Éric de Moulins-Beaufort lors de sa conférence de presse, la présidence du CEF ne dirige pas les évêques français, « elle n’est pas intéressée au processus ». Après votre arrivée à Créteil, lui avez-vous parlé ? Mgr DB : Oui, en janvier 2021. Je lui pose la question sur les événements, qu’il reconnaît à propos de deux victimes. Mais je ne pense pas qu’il y en ait d’autres… Pourquoi l’as-tu cru ? Bishop DB: C’est ma critique de moi-même. C’est difficile à dire. Sans doute parce qu’il est un frère évêque, un associé. La question des évêques impliqués était un angle mort lors de notre Assemblée de novembre 2021 – comme dans le rapport Ciase. Et puis je sais qu’il disait la vérité avec les autorités du Saint-Siège, donc je ne pense pas qu’il ne pouvait pas dire la vérité à tous les niveaux – je ne dirais pas qu’il a menti, mais je préférerais que vous disiez qu’il n’a pas dit la vérité, il y a un problème de déni… Je reconnais une forme de naïveté de ma part. J’aurais pu être plus actif par la suite, lorsque les sanctions ont été imposées en octobre 2021, en réagissant et en contestant le fait qu’elles n’étaient pas publiques. Je ne l’ai pas fait. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons décidé, à Lourdes, un conseil pour suivre les débats. Permettre l’altérité. Car nous pensons qu’il n’est pas adapté de régler ces questions dans un milieu-soi épiscopal. Le silence sur ces mesures a-t-il été imposé par Rome ? Mgr DB : La promulgation de mesures dans le droit canonique, comme dans la justice française, est une peine complémentaire. Tant qu’il n’est pas prononcé, il ne peut pas être fait. Et en même temps, nous devons intégrer aujourd’hui que la publication des mesures peut aider d’autres victimes à s’exprimer. Je crois vraiment que la transparence dans tout n’est pas bonne, car il y a le droit des personnes impliquées d’être respectées. L’Église pourrait étudier la possibilité dans certains cas de publier la proposition par défaut. Surtout lorsqu’il s’agit d’abus sexuels. Faire plus de victimes… Bishop DB: Oui principalement. Pour aider d’autres victimes potentielles à s’exprimer. mais aussi parce que nous avons senti dans cette affaire, à travers la colère exprimée, qu’il y avait une autre victime collatérale : la communauté ecclésiale. C’est aussi une leçon de cette affaire, les évêques ou le Saint-Siège ne peuvent plus se dire, entre eux, que le peuple de Dieu ne peut pas recevoir ce genre de révélation. Regrettez-vous que Mgr Santier ait été présent dans votre établissement le 28 février 2021 ? Mgr DB : Une fête de départ était prévue pour fin janvier 2021. J’avais demandé qu’elle n’ait pas lieu. C’est moi qui ai accepté que le remerciement soit à la fin de l’installation. L’évêché souffrit même d’un grand malentendu jusqu’à la révélation des faits… Car les catholiques de Crète manifestèrent alors une profonde gratitude envers leur ancien évêque, sans connaître ces faits. Ne pourrait-on pas dire, au moins, qu’il y avait un problème le concernant ? Mgr DB : Lui-même aurait dû donner les raisons de sa démission le 6 juin 2020. Ensuite, un administrateur apostolique aurait dû être nommé. La lecture de cette histoire nous aide pour l’avenir. Il ne s’agit pas de trouver un coupable, mais en général d’identifier des dysfonctionnements pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise à l’avenir. Pourquoi l’avez-vous invité à nouveau à la Liturgie du Christ, en 2022 ? Mgr DB : Dans le diocèse, les gens commençaient à me trouver très ingrat envers mon prédécesseur. J’ai relu aujourd’hui, j’étais effectivement dans une position inacceptable. Ici, la Liturgie du Christ est un événement auquel les évêques honoraires sont invités. Ce n’est pas de la duplicité de ma part. J’ai pensé que c’était une bonne occasion d’y mettre un terme en étant présent à ce moment de la vie du diocèse, sans être sous les projecteurs. Mais je comprends aujourd’hui qu’il est insupportable pour des catholiques de voir un prêtre qui a commis des abus célébrer les sacrements. C’est le sens des mesures que nous avons votées en plénière. Avez-vous pensé à vous abandonner ? Mgr DB : En tant que pasteur, ma responsabilité n’est pas de démissionner face à un problème mais plutôt de travailler pour le résoudre. Avec la colère du peuple de Dieu, le Seigneur me fait honte, nous fait des reproches. J’ai médité ce passage de la lettre aux Hébreux (12,5) : “Mon fils, ne néglige pas les leçons du Seigneur et ne te décourage pas quand il te reprend.” C’est mon attitude. Dans l’assemblée, nous avons reçu ce sujet comme une leçon du Seigneur lui-même. Cette assemblée était certes dure, mais elle est habitée par une certaine espérance. Si, à première vue, une incohérence peut apparaître entre notre démarche authentique de l’an dernier et notre démarche cette année, je parlerai plutôt d’une deuxième étape, qui s’est déroulée avec douleur, mais avec la même détermination. D’autres mesures viendront encore enrichir notre système.