Force est de constater que l’Assemblée nationale qui vient d’être élue ne correspond pas exactement dans sa composition aux résultats des différents partis au premier tour. Ainsi, avec 245 députés , la majorité présidentielle obtient 42,5 % des sièges, alors qu’elle a atteint 25,75 % des voix au premier tour. Avec une proportionnelle intégrale , la majorité présidentielle aurait obtenu seulement 183 députés. De son côté, la Nupes, qui a obtenu 133 sièges (plus 20 députés divers gauche), aurait obtenu à la proportionnelle intégrale 182 députés. Le Rassemblement national aurait lui raflé 132 sièges, contre 89 dans la réalité. Les oppositions restent donc désavantagées par le mode de scrutin. A noter que la situation était bien plus distordue en 2017 : La République en marche avec 28,2 % des voix avait obtenu 308 députés (53,4 % des sièges) alors que le Front national avec 8,8 % des voix avait obtenu 8 députés (1,4 % des sièges).

Des petits partis qui souffrent des seuils

Toutefois, traditionnellement, les systèmes de proportionnelle intégrale, comme dans la quasi-totalité des pays d’Europe , fixent un seuil d’accès pour éviter de multiplier les petites formations au Parlement. Ainsi, avec 4,24 % des voix au premier tour, Reconquête d’Eric Zemmour n’aurait pas eu accès à l’Assemblée nationale. L’un des systèmes alternatifs est celui présenté par l’ex-député MoDem Patrick Mignola. Dans une proposition de loi déposée en 2021, il propose de maintenir le système actuel dans les départements de moins de 11 députés, mais d’utiliser la proportionnelle dans les autres départements. Ainsi, 22,5 % des députés seraient élus à la proportionnelle. Conséquence : Reconquête obtiendrait 4 députés, alors que l’Assemblée nationale aurait un visage très proche de celui qu’il a actuellement. Autre système, utilisé pour les élections législatives de 1986 , une proportionnelle au niveau départemental, appliquée dans tous les départements. Ce mode de scrutin a pour effet de conserver le lien entre les députés et le territoire. Dans ce cas, l’extrême droite sort renforcée avec un groupe Rassemblement national de 119 députés et Reconquête en obtient six.

Une prime majoritaire pour assurer une majorité absolue ?

Dernier système proposé, cette fois par Marine Le Pen. Alors que la proportionnelle a tendance à fractionner davantage l’Assemblée nationale – même si le système actuel ne garantit en rien une majorité absolue au groupe en tête -, le Rassemblement national propose une proportionnelle intégrale au niveau national, mais avec une prime majoritaire d’un tiers des sièges pour la liste arrivée en tête. Comme dans tous les systèmes à la proportionnelle, mais plus encore dans ce cas-là, la question des alliances est primordiale. Or, selon les données officielles du ministère de l’Intérieur, c’est la majorité présidentielle qui est arrivée en tête, et obtiendrait alors une majorité large de 313 députés. Toutefois, l’accord de la Nupes ne portant pas sur les Outre-Mer, les résultats de certains candidats proches de la Nupes dans ces régions et départements ont été comptabilisés comme divers gauche. S’ils sont réintégrés au score de la Nupes, c’est alors elle qui arrive en tête, et se trouve alors créditée de 314 sièges et d’une majorité absolue. L’occasion de rappeler que, au-delà du mode de répartition des sièges, le scrutin change aussi les stratégies politiques. Un scrutin à la proportionnelle sans seuil à tendance à multiplier les listes, quand un seuil ou une prime majoritaire incite les petits partis à nouer des alliances avec des plus gros. Les résultats des élections en auraient été sans aucun doute changés.