Posté à 5h00
Charles-Éric Blais-Poulin Groupe de recherche, La Presse
D’origines diverses, ils déplorent que les tensions entre les services français et anglais du radiodiffuseur public, notamment autour de la polémique des mots en N, fassent de l’ombre à la “discrimination systémique” qu’ils disent exister ou qu’ils ont subie. Trois employés actuels de Radio-Canada, “membres de la diversité”, ont séparément contacté La Presse pour exprimer leur désaccord. Ils ont demandé l’anonymat, craignant des représailles de leur employeur et de leurs collègues. “On assiste à une confrontation entre deux extrêmes, dit Ousmane*. D’un côté, celle d’une frange militante de Radio-Canada qui a des revendications parfois radicales que je ne partage pas, et de l’autre, une équipe de Radio-Canada qui ne fait absolument rien pour promouvoir la diversité et ne rate aucune occasion de diaboliser et ils l’associent avec une menace pour la liberté de la presse. » Le 21 juin, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a ordonné à Radio-Canada de présenter des excuses publiques après qu’un chroniqueur de la radio ait répété à quatre reprises le titre d’un essai de Pierre Vallières. , Nègres blancs d’Amérique. Deux semaines plus tard, une cinquantaine de pionniers francophones publient dans La Presse une lettre ouverte demandant aux membres de la haute direction de « remettre fortement en question [cette] décision”. « Je suis encore sous le choc, raconte Malik*, journaliste à Radio-Canada. Dans Normes et pratiques journalistiques [NPJ], on nous demande d’être “incolore, inodore”. Mais lorsque certaines discussions surgissent, ce n’est pas un problème pour la direction que les gens qui représentent l’étiquette Radio-Canada sortent de leur réserve. Sur le plan éthique, cela soulève des questions. Pourquoi certaines personnes peuvent parler et d’autres non ? » Comment ces reporters ou présentateurs pourront-ils couvrir les événements de demain ou mener des interviews et des discussions autour du mot N alors qu’ils se sont clairement positionnés dessus ? Ousmane, officier du renseignement de Radio-Canada En entrevue avec La Presse, Luc Julien, directeur général de l’information de Radio-Canada, souligne que la mission n’était pas destinée au public et a été divulguée aux médias. “La lettre était adressée à la direction”, se souvient-il. Nous avons tagué pendant que c’était dans l’actualité : les signataires n’étaient pas autorisés à interroger qui que ce soit à ce sujet. » Les signataires pourraient-ils aujourd’hui se joindre à une pétition sur le mot N ? “Cela dépend du contexte”, a-t-il déclaré. C’est hypothétique, donc je ne veux pas y répondre. »
Pas parfait, mais en progrès
Les employés actuels interrogés par La Presse affirment que la majorité des responsables des salles de rédaction de Radio-Canada ne veulent pas valoriser la « diversité ». “Les quelques efforts qui ont été faits ces derniers temps se limitent à quelques recrutements de journalistes de la diversité qui passent pompeusement à l’antenne pour se donner l’apparence d’un média représentatif”, déplore Ousmane. Omar*, pour sa part, déplore avoir vu plusieurs collègues blancs “avec beaucoup moins d’expérience et de connaissances” ouvrir des portes qui lui sont restées fermées. “La diversité est un problème parce qu’elle brise le consensus, estime le travailleur de l’information. Les gens se sentent menacés et construisent des remparts minces et sophistiqués pour se protéger. » Luce Julien se dit “mécontente” face à ces propos. “Je suis désolé de savoir que nous avons l’impression, peut-être, que les choses sont au point mort. Mais ce n’est pas le cas. » Le patron recense les dernières embauches de l’information au sein de la “diversité” : 14 journalistes permanents et 5 salariés d’un an et demi ainsi que 11 journalistes intérimaires depuis le 1er avril 2022. Combien y a-t-il eu de nouveaux entrants au total sur la même période ? Radio-Canada n’a pas été en mesure de nous fournir cette information. PHOTO PAR MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Journalistes et animateurs de Radio-Canada à l’occasion de la rentrée d’informations de la société d’État. Luce Julien Sommes-nous parfaits ? La réponse est non. Cependant, avons-nous fait des progrès? La réponse est oui, absolument. Luce Julien, directrice générale de l’information de Radio-Canada; En juin 2021, la Société Radio-Canada a annoncé la nomination de Yolande James au poste de directrice de la diversité et de l’inclusion. Ce n’est qu’une « vitrine » politique pour « ne satisfaire que les apparences », se plaint Usman. « Nous ne savons pas vraiment ce que préparent Yolande James et son équipe. Moi et d’autres employés minoritaires n’avons jamais été approchés ou invités à parler de nos expériences. » Mme James n’était pas disponible pour une entrevue. La haute direction de CBC/Radio-Canada, dans son Plan d’équité, de diversité et d’inclusion 2022-2025, s’engage expressément à ce que « la moitié des nouvelles embauches à des postes de direction et de direction [fasse] avec les peuples autochtones, les personnes de couleur et les personnes handicapées. Cette analogie ne résonnera pas du côté du renseignement francophone, estime Ousmane. « Il y a quelques mois, huit agents – quatre directeurs et quatre rédacteurs – ont été embauchés presque simultanément à la Direction générale du renseignement. Rien de tout cela ne vient de la diversité. » Luce Julien avoue avoir, en peu de temps, promu plusieurs cadres internes au poste de directrice afin “d’assurer la viabilité du service de l’information”, alors que les départs à la retraite se succèdent et vont s’intensifier. « Le recrutement de cadres dans l’information, c’est un tout petit marché, c’est difficile. Je comprends la perception. […] Il y a place à l’amélioration, c’est clair, mais je nie la distinction. » Dans l’ensemble des services de CBC/Radio-Canada, au 1er janvier 2021, trois cadres supérieurs faisaient partie de la diversité, soit 6,1 % de l’effectif, selon les chiffres du diffuseur public. Leur représentation, bien qu’en amélioration, devrait être de 19,2 % selon la « disponibilité de l’industrie ».
L’effet Tait
Les 1 084 « personnes tribales » travaillant à la société d’État représentent 14,5 % des employés, une augmentation de deux points de pourcentage de 2019 à 2021. Cependant, cela est inférieur aux 1 430 employés qui égaliseraient la « disponibilité de l’industrie » en termes de diversité ethnique. , estimé à 19,2 % par CBC/Radio-Canada. Catherine Tait, présidente-directrice générale de CBC/Radio-Canada, a fait de l’équité, de la diversité et de l’inclusion (EDI) l’une de ses principales priorités. Ses positions et ses engagements dans ce domaine, souvent assimilés à du “militantisme”, créent de fortes tensions dans les chambres du renseignement. PHOTO DE FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE Catherine Tait, présidente-directrice générale de CBC/Radio-Canada; Allant à l’encontre du scepticisme de plusieurs « têtes d’affiche » au Québec, Ousmane attribue à Mme Tait « un principe de changement ». “Sans la pression exercée par les reporters de CBC, [le syndicat] la Guilde et la direction de Mme Tait, il n’y aurait absolument rien ! Il dit. Mme Tait a reconnu le “racisme systémique” non seulement au Canada, mais aussi au sein de la société d’État. Elle a depuis multiplié les plans et les annonces pour y remédier.
Déséquilibre Radio-Canada/CBC
À Radio-Canada, les « minorités visibles » représentaient 7 % de l’effectif au 1er avril 2020, comparativement à la « disponibilité de l’industrie » de 11,7 %. A la même date, à KTK, cette catégorie constituait 17,3% des salariés, contre un pool théorique de 22,9%. …