Posté à 12h00
Judith Lachapelle La Presse
Or, ce projet de loi défendant “l’intoxication volontaire extrême” a un “défaut majeur”, estime ce professeur de la Faculté de droit de l’Université de Montréal, dont les travaux ont particulièrement alimenté la réflexion de la Cour suprême sur le thème. . En limitant ce sentiment d’ivresse à une personne qui ne connaît plus son comportement, le gouvernement risque de perdre la cible. “Si le projet de loi est adopté tel quel, il y aura certainement des arguments solides pour contourner l’article 33.1”, a déclaré le professeur Parent, expert en défense pénale. Le projet de loi C-28, présenté le 17 juin par le ministre de la Justice David Lametti, vise à réécrire l’article 33.1 du Code pénal sur l’utilisation d’une défense d’« intoxication volontaire extrême » pour les personnes accusées de certains crimes violents.
Article de loi invalide à partir de mai
Ce projet de loi fait suite à la décision de la Cour suprême rendue le 13 mai. Abrogé l’article 33.1 du Code pénal, qui interdisait aux accusés d’invoquer “l’intoxication extrême” comme moyen de défense contre les crimes contre l’individu. La disposition, jugée trop large, contrevenait à la Charte des droits et libertés. Dans le même temps, cependant, la Cour a appelé le gouvernement à modifier cet article pour tenir les individus extrêmement ivres responsables de leurs crimes violents. En vertu du projet de loi, les personnes jugées “extrêmement ivres” lorsqu’elles ont commis une infraction pourraient être tenues responsables de ces crimes. Le projet de loi définit l’intoxication extrême comme une condition “qui rend une personne incapable de se contrôler consciemment ou d’être consciente de son comportement” – une condition également appelée “automatisation”. Le problème – et c’est un problème désagréable ! – c’est qu’en limitant l’intoxication extrême à un état proche de l’automatisation, le gouvernement laisse de côté l’intoxication qui ne perturbe pas la conscience de l’individu, mais affecte son rapport à la réalité, comme la psychose. Hugues Parent, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal Il donne l’exemple d’une personne qui sombrerait dans la psychose après avoir consommé de la cocaïne. Convaincu par ses délires que son voisin voulait le tuer, l’individu s’est emparé d’une arme à feu et est rentré chez lui pour lui tirer dessus. “Dans cet exemple, la personne sait ce qu’elle fait. “Il contrôle consciemment son comportement, mais il n’est pas capable de savoir, à cause de ses idées délirantes de persécution, que son action est mauvaise”, explique Hugues Parent. « Plutôt que d’être inconscient, l’acte commis par l’accusé s’inscrit directement dans la poursuite du but que lui imposent ses idées délirantes : lui sauver la vie en tuant son auteur. “La personne pourrait alors prétendre que son état d’intoxication extrême était plus proche de la ‘folie’ que de l’automatisation”, explique M. Gonéas. Il pourrait ainsi contourner le nouvel article 33.1 et éviter la responsabilité pénale.
Ivre, conscient et responsable
L’automatisation est une défense qui est invoquée lorsqu’une personne est dans un état de conscience diminuée, comme lors d’une crise ou d’un somnambulisme. « La personne est capable de faire des gestes, mais elle ne le sait pas. L’automatisation causée par une substance, comme une drogue, est “très, très rare”, dit Parent. En plus de 20 ans de recherches sur ce sujet, il n’a pas vu plus de quatre affaires traitées par les tribunaux. En revanche, les cas de psychose causée par la consommation de drogue, où les personnes très ivres connaissent leurs actes, “la police et les psychiatres vous diront que cela arrive très souvent”. Mais ces personnes ne sont pas visées par le projet de loi C-28, précise Hugues Parent. Comment s’assurer que les accusés souhaitant invoquer une « intoxication extrême » puissent être tenus responsables de leurs actes ? Élargissant la notion d’”intoxication volontaire extrême” non seulement à un état qui s’apparente à de l’automatisation, mais aussi à la “folie” – une définition déjà reconnue par la Cour suprême en 1994, pointe Hugues Parent. Sans ce changement, il prédit déjà que les avocats de la défense profiteront de cette lacune à leur avantage. “Il est clair que ce problème reviendra devant les tribunaux. » “Ce que nous voulons, c’est responsabiliser les personnes qui meurent au point où elles perdent conscience de leurs actes ou perdent la capacité de comprendre que leurs actions sont mauvaises”, déclare Hugues Parent. On veut éviter qu’une personne trouve une excuse pour avoir commis un crime violent en disant « j’ai eu très froid ». C’est ce que je crois que la société veut. »