franceinfo : L’enquête a révélé que le chasseur avait tiré à une distance de plus de 80 mètres et qu’il ne pouvait pas voir sa cible avec précision. Qu’attendez-vous de cette épreuve ? Léa Jaillard : Les règles de sécurité n’ont évidemment pas été respectées ou en tout cas insuffisantes. Ce que nous attendons de ce procès, c’est une suspension à vie du permis de chasser. Pour nous, c’est la mesure clé, car c’est une sanction qui n’est jamais imposée par les chasseurs et nous considérons que nous n’avons pas le droit à l’erreur une fois que nous avons entre les mains une arme d’une portée létale de plus de 3 km. Le chasseur est jugé pour « homicide », l’organisateur de la chasse également. Est-ce une responsabilité collective selon vous ? Oui, dans ce qui s’est passé ce jour-là et dans ce qui se passe en général dans les actions de chasse. C’est ce que nous essayons de montrer et de défendre depuis deux ans. Bien sûr, il y a la responsabilité individuelle, c’est le chasseur qui a tiré, mais il y a aussi la responsabilité du directeur de chasse et des collègues chasseurs qui étaient là et qui avaient leur responsabilité dans le placement et le fonctionnement du groupe de chasse. Pour nous ça va beaucoup plus loin car tous ces incidents, ces accidents qui ont été banalisés pendant des années c’est aussi le fait que l’Etat n’a jamais pris de mesures à leur encontre. Léa Jaillard chez franceinfo Pour nous, si les personnes qui ont le pouvoir d’agir ou d’écrire des lois pour arrêter ces accidents ne le font pas, elles sont aussi complices et responsables de ces morts. La fédération de chasse de Lott demande que le procès de chasse n’ait pas lieu et se constitue partie civile. Qu’est-ce que tu penses ? Ils font ça tout le temps. Ils accusent le chasseur responsable et il se constitue partie civile dans ces procès pour montrer qu’eux aussi ont été touchés par le drame et qu’il leur a nui. Cela les dégage complètement de toute responsabilité. Ce que nous voulons montrer, c’est que les responsabilités sont partagées. Il y a un problème avec le système de chasse en tant que tel et il doit être profondément réformé. Ce n’est pas une personne parfois responsable. Pourquoi votre collectif Un jour un chasseur liste-t-il les chiffres des accidents de chasse, alors que des chiffres officiels existent déjà ? On s’est rendu compte après la mort de Morgan que beaucoup de gens parlaient dont on n’avait jamais entendu parler et on s’est demandé où ils étaient, comment on ne savait pas que ces gens existaient, qu’on ne connaissait pas l’ampleur du problème. C’est ainsi que nous est venue l’idée de recueillir des témoignages. Les victimes n’osent tout simplement pas porter plainte, ou elles le font, mais les gendarmes leur disent que ça n’aidera pas parce que ce n’est pas vraiment un crime, sinon les plaintes sont rejetées, c’est très très courant. Léa Jaillard chez franceinfo Nous n’avons pas compté le nombre exact de témoignages que nous recevons, mais en moyenne, pendant la saison de chasse, nous en recevons 30 à 40 par semaine à travers nos réseaux. Campagne pour interdire la chasse les mercredis et dimanches. Certains chasseurs, qui travaillent en semaine, ne peuvent plus chasser. Comprenez-vous que c’est un problème pour eux? Non. On leur dit que 98% de la population ne travaille pas non plus le dimanche et veut se promener dans la nature. Le calcul se fait rapidement. Nous ne pouvons pas partager l’espace avec des personnes armées et dangereuses et dont les armes sont à plus de 3 kilomètres. Ce n’est pas possible, nous ne sommes pas en sécurité. Le gouvernement envisage d’introduire une infraction d’alcool pour les chasseurs à partir de la saison prochaine. Est-ce que ça va dans le bon sens ? Oui, mais cela reste une mesure de bon sens et montre combien de défauts il y a jusqu’à présent que vous pensez qu’il n’a pas encore été mis en œuvre. C’est très bien mais pas assez pour nous.