Et après ? Les experts prédisent une pause jusque vers 2100, lorsque les démographes s’attendent même à une stagnation, voire à un début de courbe. Mais comment expliquer cette limite supérieure alors que, mathématiquement au moins, on pourrait imaginer une augmentation infinie de la population mondiale ?

Le nombre d’enfants par femme diminue

Pour Gilles Pison, chercheur à l’Institut national d’études démographiques (Ined), le fait que la population mondiale ait culminé vers la fin du siècle, avant de potentiellement stagner, est le résultat de tendances déjà connues des experts. “Le démographe ne sait pas prévoir les catastrophes ou les changements brusques. Alors il prolonge les tendances actuelles, explique-t-il. Et on constate que la croissance démographique continue, mais à un rythme qui a ralenti depuis. 60 ans déjà.” En démographie, la fécondité désigne le nombre moyen d’enfants par femme en âge de procréer. Cependant, ce pourcentage est en baisse partout dans le monde, explique-t-il. “C’est un mouvement qui ne date pas d’hier.” “La limitation volontaire du nombre d’enfants est apparue il y a deux siècles, d’abord en Europe et en Amérique du Nord, avant de s’étendre à tous les continents.” Gilles Pison, démographe chez franceinfo Aujourd’hui, les Européens et les Nord-Américains ont en moyenne 1,5 enfant chacun, contre 1,9 en Asie et 1,8 en Amérique latine. “En Afrique, s’il y a un peu plus de quatre enfants par femme, en moyenne, la fécondité y baisse aussi”, poursuit-il. La contraception volontaire devrait y être généralisée à terme, comme ailleurs », note-t-il cependant. , notant un déclin qui “se produit à un rythme plus rapide que celui observé en Amérique latine ou en Asie il y a une quarantaine d’années”. Alors qu’une forte baisse de la fécondité a été observée dans plusieurs pays développés, la croissance démographique attendue dans les prochaines décennies, selon l’ONU, sera concentrée pour plus de la moitié dans huit pays, cinq africains et trois asiatiques : la République démocratique du Congo. , Égypte, Éthiopie, Nigéria, Tanzanie, Pakistan, Inde et Philippines. “Il y a maintenant des forces internes propres à chaque région du monde qui contraignent la reproduction”, a expliqué le démographe Christophe Z Guilmoto, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement basé au Centre des sciences humaines de New Delhi, en Inde, dans une interview. en juillet au JDD. Pourtant, “les femmes ont tendance à avoir au plus deux enfants dans de nombreux pays. Nous sommes loin de la croissance infinie qui nous inquiétait dans les années 1960”.

La baisse de la mortalité est associée à des progrès lents

Avec la baisse de la fécondité, les démographes prennent en compte l’allongement de la durée de vie moyenne, qui est associé à la baisse de la mortalité. Ces deux facteurs constituent « la transition démographique ». Et là aussi “tous les pays du monde l’ont vécu ou le savent”, souligne Gilles Pison, à commencer par les Européens et les Nord-Américains. En Asie et en Amérique latine, la transition démographique a commencé plus tard mais s’est produite plus rapidement, dit-il. “Ces continents ont bénéficié des progrès de l’hygiène comme de la médecine”, poursuit le démographe. Enfin, en Afrique, dernier continent à avoir initié ces changements, “la mortalité a beaucoup baissé – même si elle y est encore la plus élevée – mais les changements ont été rapides”. Globalement, “l’espérance de vie moyenne dans le monde a augmenté, passant de 64,8 ans au début des années 1990 à 70 ans aujourd’hui”, a noté l’ONU lors de la publication de ses chiffres cet été. Faut-il voir un plafond ? En 2008, le démographe publiait un article sur ce sujet dans Slate : si le taux de mortalité infantile et maternelle, déjà faible, peut encore être significativement réduit, “il n’y a pratiquement pas d’effet sur l’espérance de vie”, écrivait-il. “Cela ne peut aller de l’avant qu’en raison des succès remportés dans la lutte contre la mortalité adulte, en particulier aux âges avancés où les décès sont de plus en plus concentrés.” Cependant, si les limites fixées au cours des dernières décennies ont été dépassées, les succès dans ce domaine sont désormais le fruit de progrès scientifiques et médicaux lents (comme dans la lutte contre le cancer ou les maladies dégénératives).

Changer les modes de vie dans le respect des ressources planétaires

La prévision des Nations unies, qui estime une population culminant à 10,4 milliards à la fin de ce siècle, coexiste avec d’autres scénarios : les Nations unies estiment qu’il y a 95 % de chances que la population, en 2100, soit comprise entre 8,9 et 12,4 milliards , explique Gilles Pison. La fourchette la plus élevée, “hautement improbable”, va même jusqu’à 15 milliards d’êtres humains. Le démographe souligne que, quel que soit le scénario, les ressources disponibles doivent être partagées équitablement et équitablement. A ceux qui craignent une planète dans laquelle nous serions “trop ​​nombreux”, il répond que le problème n’est pas le nombre mais nos modes de consommation. “Ce n’est pas une question de démographie. Si nous n’étions qu’un milliard sur Terre et que nous vivions comme un habitant des pays du Nord, alors ce ne serait pas tolérable.” Gilles Pison, démographe chez franceinfo “C’est une minorité qui est responsable de la majeure partie du réchauffement climatique, il est donc clair que le problème n’est pas le nombre de personnes mais la façon dont elles vivent. S’il est illusoire de penser que nous pouvons changer l’évolution d’ici 2050, les modes de vie doivent déjà être plus respectueux de l’environnement et de la biodiversité.”