Le tribunal correctionnel de Paris a reconnu Jean Cabannes – ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) – coupable de quatre agressions sexuelles commises entre janvier 2018 et février 2020, dont trois dans le métro parisien. La décision a été rendue mercredi 9 novembre. Ce haut fonctionnaire de 67 ans – ancien commandeur au Sénat, ancien membre du CSM, officier de la Légion d’honneur et de l’Ordre national du mérite – a été condamné à trente mois de prison : 12 mois fermes de maison arrestation sous bracelet électronique et 18 mois de probation dont deux ans. Jean Cabannes est également inscrit au fichier judiciaire automatisé des délinquants sexuels ou violents (Fijais) et est soumis à une obligation de vigilance. Lire aussi 75 % des agressions sexuelles dans les transports en Île-de-France sont-elles commises par des étrangers ? Les juges ont passé outre les réquisitions du parquet, qui avait requis une peine d’un an de prison avec sursis pendant trois ans, assortie d’un devoir de vigilance et d’un cours de citoyenneté ou de prévention du sexisme. Lors de l’audience du 21 octobre, Jean Cabannes avait plaidé “non coupable” et dénoncé à la barre une enquête “exclusivement pour le parquet”. “Dès le début, j’étais sous une présomption de culpabilité”, a-t-il dit, se disant “mené par une balle perdue du mouvement #MeToo”. “Nous sommes soulagés par cette décision qui reconnaît sa culpabilité mais surtout la gravité des événements. La peine, qui va bien au-delà des exigences du parquet, semble tout à fait adaptée à la situation et évitera, espérons-le, que ces événements ne se reproduisent, car nous avons affaire à quelqu’un qui est dans le déni face aux preuves. . Evidemment nous ne partageons pas la même définition de l’honneur”, réagit au Figaro Me Chloé Belloy, avocate d’un des plaignants. « La satisfaction est absolue. Après 5 heures de contentieux, ce débat est à la hauteur des propos des plaignantes et prend la mesure exacte du traumatisme subi par ces jeunes femmes », explique Me Safya Akorri, également avocate d’une plaignante. “C’est une décision trop stricte qui tient plus aux fonctions qu’il a exercées qu’à l’objectivité de la gravité des événements. Il a payé pour porter le nom qui est le sien. Nous ne la traitons pas avec le recul adéquat et nécessaire que nous aurions donné à tout le monde”, affirme Me Olivier Baratelli, avocat de Jean Cabannes, tout en rappelant que son client “conteste les faits”.

La main sur le sexe des victimes

L’affaire a débuté le 5 février 2020, lorsqu’une jeune femme de 18 ans s’est rendue au commissariat du 13e arrondissement pour signaler une agression sexuelle qu’elle venait de subir dans le métro parisien. Alors qu’il se trouvait dans un wagon de la ligne 7, un homme est monté à bord en gare de Jussieu puis s’y est collé, son sac pendu à sa ceinture. A la gare de Pont Marie, l’homme avait mis son sac de côté puis avait posé sa main au niveau du sexe de la jeune femme. Cette dernière, paralysée, s’est éloignée puis a vu son agresseur, “un homme de type européen âgé entre 60 et 70 ans”, se lécher les lèvres tout en la fixant. L’enquête, confiée le 6 février 2020 à la Sûreté des transports régionaux de la Brigade Ile-de-France Réseau Ile-de-France, a permis d’établir un lien avec trois autres agressions sexuelles. Agression commise en pleine rue, avenue Saint-Marcel, le 6 janvier 2018, contre une femme de 51 ans, poussée à une porte et embrassée violemment. Puis deux autres, également commises sur la ligne 7 du métro, contre deux jeunes femmes âgées de 19 et 22 ans, en mars et avril 2019. Les deux victimes ont également dénoncé un homme d’une soixantaine d’années qui a mis la main au niveau de leur sexe. Des images de vidéosurveillance relatives aux événements du 5 février 2020 avaient permis d’identifier une photographie d’un suspect. Jean Cabannes lui-même s’était reconnu dans ce cliché, tout en niant les événements. Sur cette photo, il a également été reconnu par le vigile de son immeuble, son opticien, son libraire de quartier et un ancien collègue du Sénat. Avant d’être confronté à la vidéosurveillance, Jean Cabannes a pourtant déclaré qu’il lui était “impossible” d’être dans le métro au moment des faits, le 5 février 2020. VOIR AUSSI – Numéro d’alerte, formation pour recevoir les plaintes… Valérie Pécresse présente le plan de lutte contre le harcèlement sexuel dans les transports Plusieurs éléments mettaient en cause Jean Cabannes : les mentions de sa carte Navigo – similaire à celle de l’homme identifié sur vidéosurveillance -, la géolocalisation de son téléphone portable – qui le mettait dans les mêmes rames de métro que les trois jeunes femmes agressées sexuellement – Ses mains « tremblantes » – a relevé une des victimes – ou encore son expertise du téléphone portable, qui a produit des photographies de jeunes femmes prises dans les transports en commun ou encore des recherches sur le harcèlement de rue.

Jean Cabannes nie les faits

Jean Cabannes, qui avait démissionné du CSM après les aveux de l’accusé, a nié les faits tout au long de l’enquête. Il avait alors fait une requête “mort dans l’âme” pour comparaître sur un précédent plaidoyer de culpabilité (CRPC) afin, comme il l’a expliqué au tribunal, “de mettre fin à cette procédure dans les plus brefs délais”. Le recours à cette procédure de « reconnaissance de culpabilité » avait été rejeté par les enquêteurs. Lors de son procès, il a maintenu ses démentis contre deux des plaignants, des partis politiques, qui l’ont “officiellement” identifié comme leur attaquant du métro. “Je ne conteste pas les témoignages, mais ce n’est pas moi”, avait confirmé Jean Cabannes. Le prévenu avait également expliqué que les mains tremblantes de la victime “lui provoquaient des mouvements involontaires” et que si elles “pouvaient être perçues comme bougeant pendant deux secondes”, il “ne pouvait pas prouver le contraire”. Son avocat, Me Olivier Baratelli, qui avait dénoncé un abus médiatique contre son client et des accusations sans fondement, avait demandé la relaxe.